Élu le 31 mars à la présidence de l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), François Côté a passé les mois d’avril et mai à boucler des tournages avant de prendre plus officiellement ses nouvelles fonctions le 8 juin. C’est lors de cette première journée au bureau que La Presse l’a rencontré.

Q Quelle est la situation de l’ARRQ?


R Les réalisateurs possèdent une convention de travail pour le cinéma depuis 1989 mais celle régissant ceux de la télévision n’a qu’un an. J’ai passé 15 ans à concevoir cette entente collective. La convention commence à fonctionner. Ce n’est pas sans difficulté. Il y a des choses à raffiner. Mais ça marche. Et je continue à analyser la situation.

Q Quels sont vos projets?

R D’abord, les services aux membres. Je souhaite une présence plus active. Les réalisateurs sont des gens qui travaillent seuls. Je veux que les membres voient l’ARRQ comme un appui réel et soient tentés de se tourner vers elle quant ils ont un problème ou pour simplement parler métier. Deuxièmement, il faut que l’Association établisse ses positions et les rende publiques. Au cours des dernières années, nous avons été un peu trop fair-play. Nous avons un discours politique à repenser et on veut impliquer les membres là-dedans.

Q Le financement des arts se trouve actuellement au cœur de plusieurs débats. Où vous situez-vous là-dedans?


R Le financement du cinéma et de la télévision au Canada est un financement public. Au pays, il n’existe pas d’industrie de cinéma et de télévision sans les subventions. Alors, toute la pensée mercantile voulant que les diffuseurs et les producteurs agissent comme les Américains parce qu’on est en Amérique du Nord est un faux débat. C’est une appropriation impropre.

L’argent doit être distribué parce que les pouvoirs publics ont voulu créer une industrie non pas pour que celle-ci fasse des profits, mais pour qu’elle soutienne la culture au Canada et au Québec. Mais nous ne sommes pas du tout contre l’industrie ou les producteurs. On sait fort bien qu’il y a un trio essentiel en cinéma et en télévision et celui-ci est formé des producteurs, des réalisateurs et des scénaristes. Ce trio-là, on y a toujours cru et on y croira toujours.

Q Et la question des droits d’auteur?

R Ça fait très longtemps que nous en réclamons. Mais le problème est que le gouvernement fédéral ne nous propose pas un droit d’auteur mais un droit de propriété. Qui est l’auteur et qui est le propriétaire des droits de l’œuvre? Le gouvernement canadien ne s’exprime pas là-dessus. Encore ici, le fédéral semble voir l’industrie canadienne et le milieu culturel canadien de la même façon que comme si nous étions dans le Midwest américain. Or ni la culture canadienne ni la culture québécoise ne se sont développées comme cela. La culture au Québec, c’est le fait des artistes et des créateurs. Point à la ligne.

Q Quel est l’état de la réalisation au Québec?

R Nous progressons énormément. En tant que créateur, je me sens très humble par rapport à beaucoup de personnes que je sers maintenant comme président. Je suis plus au fait de ce qui se fait en télévision (ndlr: M. Côté est aussi le conjoint de la productrice d’émissions pour enfants Carmen Bourassa). Mais que j’ouvre ma télé, que j’aille au club vidéo ou au cinéma et je constate que le cinéma québécois a fleuri d’une façon extraordinaire. Les réalisateurs ont raffiné leur métier, leur capacité d’évocation, leur écriture, leur vision du monde. En télévision, c’est presque la même chose. Du point de vue dramatique, dans les 10 ou 15 dernières années, on a vu des réalisations extraordinaires, qui ne sont pas juste allées chercher des cotes d’écoute mais aussi les tripes des spectateurs.

Q Quelle est votre position par rapport à l’arrivée des nouveaux médias?

R Le fédéral vient de nous imposer un financement de l’internet avant même que les besoins de ce média soient raffinés. Je trouve ça un peu désolant. Le Fonds des médias du Canada nous oblige d’avoir une branche internet avec plusieurs émissions de télévision. Le média va créer ses propres attentes, ses propres moyens. Il va imposer son modèle auquel forcément producteurs et diffuseurs seront obligés d’adhérer. Je ne vois pas pourquoi on serait obligé de financer ça sans savoir où ça s’en va. Mais c’est sûr que l’on doit s’y intéresser parce que nous avons beaucoup de gens qui travaillent pour la télé et les nouveaux médias.