Pour incarner un riche industriel kidnappé par des truands réclamant une rançon très substantielle, Yvan Attal a pratiquement tout mis en péril: sa santé, son intégrité physique, sa vie personnelle. Parce qu'un acteur, c'est ça. 

De ce côté-ci de l'Atlantique, il y a longtemps qu'Yvan Attal n'a pas donné de ses nouvelles. On l'a bien vu apparaître dans quelques films américains (Munich de Steven Spielberg, The Interpreter de Sydney Pollack, Rush Hour 3 de Brett Ratner), mais l'acteur s'est quand même fait relativement discret sur les écrans.

«Je suis incapable d'accepter de jouer dans un film dont le scénario ne me plaît pas, a-t-il confié cette semaine à La Presse au cours d'un entretien téléphonique. Résultat: je n'ai pas travaillé du tout pendant un an et demi!»

En France, Attal a pourtant été très présent dans l'actualité cinématographique au cours de la dernière année. Il a enchaîné trois tournages coup sur coup. D'abord, Partir, drame de Catherine Corsini où il incarne un homme que l'infidélité de sa femme (Kristin Scott Thomas) rendra pratiquement fou. Ensuite, Les regrets, film de Cédric Kahn dans lequel un homme marié se réengage dans une liaison aussi passionnée que «toxique» avec son premier amour (Valeria Bruni Tedeschi). Ces deux excellents films, toujours inédits au Québec, ont rappelé, comme si besoin était, à quel point Yvan Attal peut habiter l'écran dès qu'il s'investit dans un rôle.

Mais c'est surtout Rapt, le nouveau film de Lucas Belvaux, qui lui a valu des éloges, de même qu'une nomination pour le César du meilleur acteur. Dans ce drame inspiré par un fait divers survenu à la fin des années 70, Attal se glisse dans la peau décharnée d'un riche industriel pris en otage. La séquestration sera violente. Le retour à la vie «normale» le sera tout autant.

Une transformation physique

En guise de préparation, l'acteur s'est bien entendu documenté sur l'affaire du baron Empain, dont s'est inspiré Belvaux pour son film (voir autre texte: Lucas Belvax: cinéma sous tension). Il a aussi écouté beaucoup de témoignages de gens qui ont déjà été victimes d'enlèvement, histoire de trouver la juste mesure sur le plan psychologique.

«Je n'ai pas hésité une seule seconde (à jouer dans le film), soutient-il. Une proposition comme celle-là n'arrive pas tous les jours. À la lecture, j'ai toutefois un peu sous-estimé l'investissement que le rôle allait exiger. Je ne croyais pas que ça m'emmènerait aussi loin.»

Car Yvan Attal s'est aussi conditionné pour son rôle en se transformant sur le plan physique. Il a maigri. Beaucoup. Il a perdu une vingtaine de kilos en un mois et demi à peine.

«Je ne mangeais pratiquement plus!» dit-il.

L'acteur a alors commencé à développer des comportements anorexiques. Il s'est isolé de tout. Même de sa famille. Belvaux l'a regardé aller, impressionné par l'investissement personnel de l'acteur, mais le réalisateur s'est quand même inquiété.

«Jamais je n'oserais demander à un acteur de s'investir autant, explique l'auteur cinéaste au bout du fil. J'ai bien vu dès le départ qu'Yvan avait envie d'aller plus loin que ce qu'exigeait le personnage. À partir du moment où un acteur a envie de plonger de cette façon, mon rôle est de l'accompagner le mieux possible. Et de lui porter une très grande attention afin que tout se passe bien, notamment sur le plan de l'organisation du travail.»

Quand on lui demande où se situe le plaisir du jeu dans de telles circonstances, Yvan Attal ne peut faire autrement que de rire.

«Bizarrement, on a énormément de plaisir à se faire mal! dit-il. Il y a certainement une part de masochisme, en tout cas quelque chose qui relève de cet ordre-là. Pour ma part, j'estime qu'un rôle n'est intéressant que dans la mesure où il vous coûte quelque chose.»

L'acteur a aujourd'hui repris du poids, mais pas trop. Il a aussi repris le cours de sa propre vie. Une période de réadaptation aura toutefois été nécessaire.

«On met du temps à se sortir d'un rôle comme celui-là parce que le costume du personnage est encore sur vous, explique-t-il. Forcément, ça vous colle à la peau pendant un moment.»

La réalisation en veilleuse

Les trois rôles qu'il a enchaînés l'an dernier - tous costauds - ont par ailleurs redonné la pêche à l'acteur. Au point où il désire maintenant mettre sa carrière de cinéaste en veilleuse. Yvan Attal s'était pourtant fait avantageusement remarquer avec ses deux réalisations: Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Il devait consacrer l'année qui vient à la réalisation de son troisième long métrage, Les Sabines, adaptation d'une nouvelle de Marcel Aymé dont sa compagne, Charlotte Gainsbourg, aurait été la tête d'affiche.

«Je crois que je vais abandonner ce projet, annonce-t-il pourtant. D'une part, c'est très compliqué sur le plan du financement et de l'organisation. J'ai besoin d'avancer. D'autre part, j'ai surtout envie de faire plaisir à l'acteur pour le moment. Je vais jouer dans quelques films au cours de la prochaine année - je tourne le nouveau film de Christophe Ruggia (Le gone du chaâba) en août - et je monterai aussi sur les planches à Paris pour jouer Race, la pièce de David Mamet. Ce sera une première pour moi au théâtre.»

Qu'on se le dise: l'acteur Yvan Attal est de retour. Plus en appétit que jamais.

Rapt est présentement à l'affiche.