Elle a le vent dans les voiles, c'est sûr. Depuis Je vais bien, ne t'en fais pas, le film de Philippe Lioret grâce auquel elle a obtenu le César du meilleur espoir féminin, la carrière d'actrice de Mélanie Laurent a pris un envol fulgurant. On l'a vue, l'an dernier, appâter du nazi pour ensuite mieux le faire brûler dans les feux de l'enfer, devenant ainsi le visage de la vengeance qu'a fantasmée Quentin Tarantino pour Inglourious Basterds.

Au mois de décembre, elle plongera de nouveau au cœur de la Seconde Guerre mondiale - de façon beaucoup plus réaliste cette fois - dans La rafle, un film de Roselyne Bosch portant sur la rafle du «Vel' d'Hiv'»du 16 juillet 1942.

Entre ces deux longs métrages aux approches diamétralement opposées quant à l'évocation de la plus grande tragédie du XXe siècle, Mélanie Laurent a pu réfléchir à ses projets de réalisation, monter sur les planches (dans La promenade de santé de Nicolas Bedos), et produire un album de chansons. Elle a aussi manié l'archet devant la caméra de Radu Mihaileanu afin de donner chair au personnage de violoniste virtuose qu'elle incarne dans Le concert, film à succès gratifié de six nominations aux Césars du cinéma français (sans oublier le prix du public du festival Cinémania de Montréal).

«Après le tournage du Concert, je suis partie à l'étranger, principalement en Amérique, afin d'accompagner la sortie d'Inglourious Basterds, a raconté l'actrice au cours d'une rencontre de presse tenue à Paris il y a quelques mois. Et voilà qu'à mon retour, j'apprends que le public porte une véritable affection pour Le concert. Et qu'il attire près de deux millions de spectateurs en France. Je savais que Radu allait faire un très beau film, mais je ne m'attendais pas à un tel accueil. C'est très gratifiant. Ça fait très plaisir!»

Pas d'évidence

La participation de l'actrice ne relevait pourtant pas de l'évidence. Avant de tourner Le concert, Mélanie Laurent n'avait pratiquement aucun intérêt pour la musique classique, ni de connaissances. Or, le rôle exige plus qu'un minimum de crédibilité à cet égard. Anne-Marie Jacquet, son personnage, est en effet une violoniste prodige qui ne peut rater la rare occasion de jouer en compagnie du prestigieux orchestre du Bolchoï, lequel est enfin en visite à Paris.

Le concert étant d'abord une comédie, le récit repose toutefois sur un quiproquo: les musiciens qui s'apprêtent à accompagner la violoniste sont des imposteurs qui, il y a 30 ans, ont été licenciés du Bolchoï par le gouvernement Brejnev. À l'époque, leur chef d'orchestre avait refusé de se séparer de ses musiciens juifs.

«Il était très clair dans mon esprit que même si, il est vrai, le film emprunte le ton de la comédie, il fallait quand même être très rigoureux sur le plan de l'exécution, explique l'actrice. Et puis il y a ce fameux concerto de Tchaïkovski que l'orchestre joue à la fin. On ne pouvait pas tricher.»

Pendant deux mois, Mélanie Laurent a été conseillée par Sarah Nemtanu, soliste de l'Orchestre national de France, à qui le compositeur Armand Amar a fait appel pour interpréter le Concerto opus 35 de Tchaïkovski sur la bande originale.

«Au départ, Sarah devait simplement me jouer le concerto afin que je puisse voir «physiquement »à quoi ça ressemble, se rappelle l'actrice. Mais nous nous sommes vite liées d'amitié. Pendant deux mois, Sarah m'a «coachée ", mais de façon très engageante. Au lieu de se concentrer sur la technique, elle m'a appris à aimer le violon. Cette approche plus ludique a tout déclenché. J'ai appris l'attitude, les gestes, l'émotion. Comme je ne joue pas réellement, il était important de maîtriser cet aspect des choses. Je n'y serais probablement jamais parvenue autrement.»

Une scène mémorable

Au moment de tourner la scène du concerto au Théâtre du Châtelet, l'actrice fut prise d'une espèce de vertige - comme si elle avait été en transe - qui a forcé le réalisateur à laisser tourner les caméras. Pendant huit minutes. Mélanie Laurent fut submergée à un point où elle a failli s'évanouir.

«C'était la première fois que je vivais un truc pareil, raconte-t-elle. J'avais l'impression que la musique avait pris possession de mon corps et de mon esprit. C'est la prise qu'a gardée Radu dans le film.»

Le cinéaste Radu Mihaileanu (Va, vis et deviens), fils de journaliste juif et communiste, a fui la Roumanie il y a près de 30 ans. Lors de son passage à Montréal l'an dernier, il a déclaré prendre une revanche sur le passé avec humour grâce à ce Concert.

«Le film parle de la dignité humaine et de l'estime de soi, a-t-il expliqué alors au cours d'une entrevue accordée à La Presse. J'ai voulu raconter une histoire d'amitié et la dignité des gens brisés. Je fais venir les Barbares de l'Est qui secouent l'Ouest assoupi. L'histoire, c'est deux cultures qui se rencontrent.»

Le concert prend l'affiche le 2 juillet.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.