Les liens entre Fantasia et la Cinémathèque québécoise semblent se resserrer.

Outre la rétrospective Ken Russell, qui se tiendra du 21 au 25 juillet, les deux organisations présentent conjointement le rarissime Manette: la folle et les dieux de carton, film oublié du cinéma québécois nouvelle vague, qui n'a été vu que deux fois depuis sa sortie en 1967.

Mettant en vedette Mariette Lévesque dans le rôle de Manette, cet ovni pelliculaire sorti des oubliettes raconte la descente aux enfers d'une jeune femme suicidaire et névrosée, qui cherche l'absolu dans le yoga, l'art, l'alcool et le sexe à tout crin. Sera-t-elle sauvée?

Bancal malgré ses nombreux moments de grâce, ce film en noir et blanc est loin d'être un chef-d'oeuvre. Le doublage, affreux, laisse deviner de graves problèmes de postproduction. Le montage est flou, les comédiens manquent de naturel.

Mais Manette n'est pourtant pas sans mérite. Tourné en 1964, il mettra trois ans à sortir, mais il annonçait, par son audace et ses pointes d'érotisme, les premiers films de sexploitation québécoise comme Valérie et L'initiation. Avec comme toile de fond l'éveil nationaliste et la Révolution tranquille, il se faisait aussi - et surtout - l'écho d'une société canadienne-française en pleine mutation.

«D'un point de vue cinématographique, c'est un film raté. Mais d'un point de vue sociologique, il a son importance, résume Fabrice Montal, de la Cinémathèque, responsable de cette exhumation inattendue. C'est une radiographie de l'époque qui fait cohabiter toutes sortes de sous-cultures: l'undeground, l'orientalisme, le RIN, la religion.»

En retrouvant le film, Montal avoue avoir allumé sur sa distribution. Car Manette réunit es acteurs aussi disparates que Mariette Lévesque, Léo Ilial, Yvan Canuel, le poète Claude Gauvreau, le chanteur Jen Roger et le groupe les Baronets, avec un tout jeune René Angélil dans toute la splendeur de son toupet!

Mais ce n'était visiblement pas suffisant. Trop expérimental, trop osé, trop mauvais, Manette fut boudé lors de sa sortie. Son réalisateur Camil Adam - dont ce fut le seul long métrage - a disparu de la circulation par la suite. Et le film a été tabletté au rayon des navets, pendant que Valérie empochait quelques années plus tard des milliers de dollars au box office.

Sa présence à Fantasia permettra-t-il de lui redonner sa place dans l'Histoire du cinéma québécois? C'était, en tous les cas, un contexte idéal pour le réhabiliter.

«C'est un film fantasiesque, parce qu'il est monstrueux à certains égards! conclut Fabrice Montal. Il a un côté outrancier. On y explore les bas-fonds urbains. Sa morale est ambiguë. Dans le cadre d'un festival luxuriant comme Fantasia, c'est quelque chose qu'on peut redécouvrir au second degré. Ce n'est pas seulement un film rare, c'est une vraie curiosité québécoise.»

Manette: la folle et les dieux de carton. À la Cinémathèque, ce soir, 18h30.
Infos: www.fantasiafestival.com