Le projet d'adaptation américaine du Dîner de cons a finalement été concrétisé sous la direction de Jay Roach. Le réalisateur d'Austin Powers et de Meet the Parents s'amène à Montréal aujourd'hui pour présenter Dinner for Schmucks au Festival du film Juste pour rire.

Ses comédies connaissent beaucoup de succès mais il affirme être incapable de raconter une bonne blague lui-même. Le réalisateur Jay Roach aime plutôt voir les autres le faire rire. Le premier à s'être exécuté devant sa caméra fut Mike Myers, il y a 13 ans, dans Austin Powers: International Man of Mystery. Ben Stiller, Robert De Niro et plein d'autres ont fait de même ensuite, notamment dans Meet the Parents et ses opus subséquents. Roach a aussi agi en tant que producteur pour Borat et Brüno, les deux projets cinématographiques qu'a conçus Sacha Baron Cohen.

«J'en suis venu à la comédie par accident, souligne pourtant le cinéaste au cours d'une entrevue accordée à La Presse. C'est grâce à Mike Myers. Il avait vu des choses que j'avais écrites ou réalisées auparavant et il m'a demandé d'assurer la bonne marche d'Austin Powers. Je n'aurais jamais cru que ma carrière prendrait cette tournure!»

Délaissant cette fois les suites, Roach nous arrive cet été avec, sous le bras, les bobines de son adaptation du Dîner de cons. La célèbre pièce de Francis Veber, devenue ensuite un film très apprécié dans les pays francophones, a nourri les fantasmes des Américains depuis longtemps. Mais le projet a mis du temps à aboutir.

«Quand cette proposition est arrivée, plusieurs scénarios avaient déjà été écrits, et d'autres réalisateurs avaient aussi été pressentis, explique le réalisateur. Je n'ai rien voulu lire car je préférais remettre les compteurs à zéro. Je n'avais même pas vu le film original encore!»

Un pari impossible

Roach connaissait déjà le travail de scénariste de Francis Veber toutefois, particulièrement grâce à La cage aux folles, film qu'il admire beaucoup.

«Quand j'ai visionné Le dîner de cons, les deux bras m'en sont tombés. C'est un film parfait, qui repose sur une mécanique incroyable, et marqué par des performances d'acteurs magnifiques. Jacques Villeret y est extraordinaire. Je me suis alors dit qu'il était impossible d'en faire un remake. Trop bon. Rien à ajouter.»

En y réfléchissant bien, en compagnie de ses scénaristes David Guion et Michael Handelman, Roach a finalement trouvé un moyen pour offrir - avec l'approbation de Francis Veber - une vision différente.

«Il était impossible de tenter de reproduire exactement le film français, que ce soit dans ses situations, ou dans son esprit, car il en aurait résulté une pâle copie, indique le réalisateur. Pour nous, la solution était d'utiliser la trame du Dîner de cons comme base, mais d'ajouter un troisième acte: le fameux dîner. Qu'on ne voit pas dans l'original.»

Du coup, la dynamique entre les personnages n'est plus tout à fait la même. Le film comportant un acte supplémentaire, il fallait que le lien entre les personnages principaux soit plus complexe, moins cruel en quelque sorte. Le personnage qu'incarne Paul Rudd, créé au cinéma par Thierry Lhermitte, ne fait en outre plus partie des initiateurs du fameux dîner, mais se voit plutôt contraint d'y assister pour obtenir une promotion. Steve Carell, qui succède à Jacques Villeret au royaume des cons, est gaffeur, mais plus imbécile heureux qu'idiot fini. Au départ, ce rôle devait d'ailleurs être tenu par... Sacha Baron Cohen!

«J'adore Sacha et nous comptons travailler encore ensemble, mais nous n'envisagions pas le personnage de la même façon, explique Jay Roach. Aussi avons-nous conclu d'un commun accord qu'il valait mieux faire appel à quelqu'un d'autre. Aujourd'hui, je ne peux imaginer ce film sans Steve Carell tellement il s'est approprié le rôle.»

Une certaine fébrilité

S'il se spécialise dans les comédies à vocation populaire, Jay Roach a aussi une autre corde à son arc. Cet ancien étudiant en droit est en effet féru de politique. Recount, une chronique produite par HBO relatant l'élection présidentielle de 2000, lui a notamment valu l'Emmy Award de la meilleure réalisation (catégorie minisérie, film ou drame spécial).

«Je rêve de pouvoir réaliser un jour un grand film politique à la All the President's Men ou une satire à la Dr. Strangelove. Je ne sais pas si c'est encore possible à Hollywood. Ces productions pointues sont désormais soutenues par les chaînes spécialisées.»

En attendant, Jay Roach s'amène à Montréal ce soir pour présenter au public du Festival du film Juste pour rire sa nouvelle offrande. Il ne cache pas sa fébrilité.

«Présenter un remake américain du Dîner de cons à un public de connaisseurs ajoute évidemment une pression supplémentaire, dit-il. J'espère simplement que les spectateurs des pays francophones seront quand même réceptifs. Et qu'ils tiendront compte du fait que ce film est très différent de celui qu'ils ont tant apprécié déjà.»

__________________________________________________________________
Dinner for Schmucks est présenté ce soir à 20 h au Cinéma Impérial dans le cadre du Festival du film Juste pour rire. En salle le 30 juillet. Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.