Mercredi prochain, salle Wilfrid-Pelletier, Gabriel Thibaudeau dirigera un petit orchestre de 13 musiciens pour accompagner la projection de la version intégrale de Metropolis.

Il s'agit d'un des événements phares du festival Fantasia. Pour cette occasion, Thibaudeau a réécrit une trame musicale complète pour accompagner le classique de Fritz Lang.

Gabriel Thibaudeau extirpe de son petit sac noir un cahier de papier acheté dans un magasin à un dollar et l'ouvre avec soin. Sous nos yeux apparaissent les scènes du film Metropolis de Fritz Lang. Inspiré d'un roman de Thea von Harbou, il raconte un amour impossible au sein d'une cité du futur fortement divisée entre nantis et classes ouvrières.

Les scènes sont découpées en petits rectangles de papier collés sur le côté gauche de chaque page. À droite, des signes, des pictogrammes, quelques mots griffonnés à la hâte. De cet enchevêtrement de mots et d'images va naître une trame sonore complètement nouvelle pour accompagner le classique datant de 1927.

Cette projection a lieu le soir de clôture du festival Fantasia. Depuis la découverte, le 3 juillet 2008, d'une copie allongée de 25 minutes de Metropolis au Musée du cinéma de Buenos Aires, il s'agira de la première projection de la version dite intégrale (147 minutes) du film dans l'est du Canada.

Un cadeau du ciel

Pour Gabriel Thibaudeau, pianiste de la Cinémathèque québécoise depuis 22 ans (il accompagne au piano la projection des films muets), ce projet est un cadeau tombé du ciel du septième art.

«J'ai reçu la copie du film au début du mois de mai alors que j'étais au Luxembourg, raconte M. Thibaudeau, dont le travail le conduit aux quatre coins de la planète. Tout de suite, j'ai voulu découper sa structure et en faire un photogramme afin d'y accoler des idées.»

Des idées, il en avait bien avant que le projet naisse. En raison de son travail à la Cinémathèque, Metropolis a été un des premiers films dont il a joué la trame sonore originale - de Gottfried Huppertz - au piano. Avec le temps, des idées neuves ont jailli.

«J'ai pensé à un concept de deux orchestres de chambre qui expriment l'opposition des classes sociales, comme l'évoque le film de Lang», dit-il.

C'est ce que verront les spectateurs à la salle Wilfrid-Pelletier. Sur le côté gauche de la scène, un quintette à cordes et un clavecin représenteront la classe dirigeante de la ville. Sur le côté droit, un quintette de cuivres et un orgue à tuyaux donneront la réponse pour les travailleurs. Au centre, un percussionniste. Et devant, à la direction, M. Thibaudeau.

Le compositeur, qui a beaucoup d'amis et de connaissances dans le milieu, peut compter sur des musiciens de renoms. Les cordes viennent de l'ensemble I Musici, les cuivres de l'Orchestre métropolitain, Marie-Andrée Baril sera au clavecin et Philippe Bélanger de l'oratoire Saint-Joseph à l'orgue à tuyaux.

Laisser parler les images

De la partition originale de Gottfried Huppertz, Gabriel Thibaudeau retient une musique très ampoulée, chargée, lourde, teutonique! «C'est postwagnérien, très allemand. Cette musique appuie l'impression prénazie ressentie dans Metropolis», dit le pianiste.

Le compositeur a souhaité que sa propre trame sonore soit plus près des conventions du cinéma d'aujourd'hui.

«Je ne voulais pas souligner les séquences à gros traits musicaux, dit-il. Par exemple, lorsque les travailleurs descendent en ascenseur vers la ville souterraine, je fais simplement sonner une cloche (alors que la trame originale propose un tintamarre de tous les diables). J'ai voulu laisser les images parler au lieu de les écraser avec une partition.»

Pour la projection de mercredi prochain, Thibaudeau entend aussi utiliser une récente technique musicale appelée sound painting. «C'est une façon de faire improviser les musiciens en fonction de quelques signes envoyés par le chef d'orchestre, explique-t-il. Cette technique fait en sorte que la trame peut varier d'une projection à l'autre.»

Avec ses complices, Gilles Thibaudeau a amorcé les répétitions lundi dernier. L'ensemble doit se farcir une partition de 1500 pages qui représentent les 150 minutes de musique originale écrite par le compositeur. L'événement promet d'être exceptionnel.

Metropolis sera présenté mercredi prochain à 19h30 à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.