Depuis trois semaines, à Bedford, dans les Cantons-de-l'Est, on peut voir Pascale Bussières et Luc Picard conduire des tracteurs dans les champs et faire les foins comme des pros. Ils sont bien sûr en plein tournage: celui du premier long métrage de Guy Édoin, Marécages, qui s'inspire directement du milieu rural où il a grandi: il tourne carrément à la ferme où il est né.

«La ruralité n'est pas très représentée dans notre cinématographie, estime Guy Édoin, qui a fait sa marque dans le court métrage (sa trilogie Les Affluents a récolté nominations et prix dans plusieurs festivals internationaux). À titre de cinéaste qui a grandi à la ferme, il sait de quoi il parle. S'il s'inspire de son enfance, Marécages n'est en rien autobiographique, note-t-il. En le réalisant, le cinéaste dit terminer un cycle, qu'après il ira ailleurs, mais il lui fallait montrer la réalité de son milieu, qui n'est pas aussi bucolique que les citadins veulent le croire. «J'aborde la dureté de ce milieu, le travail difficile 365 jours sur 365, la fatigue, les ennuis financiers et, par la bande, le suicide, la dépression chez les agriculteurs. On ne s'intéresse pas à eux, alors que ces gens-là nous nourrissent.»

Marécages, un titre qui fait référence à des eaux troubles, selon le cinéaste, met en scène une famille de fermiers aux prises avec une sécheresse. Marie (Pascale Bussières) et Jean (Luc Picard) ont déjà perdu un enfant et entretiennent une relation difficile avec leur autre fils, Simon (Gabriel Maillé). Un drame viendra bouleverser leur vie déjà ardue. «C'est une mécanique infernale, ce film, dit Pascale Bussières. C'est très frontal, très brutal comme approche, pourtant dans un cadre d'une grande beauté. Mais c'est tellement juste, il n'y a rien d'emprunté, on voit que Guy Édoin vient de là.» Il y a de plus la relation amour-haine que son personnage entretient avec son fils - «qui a bon dos» dit-elle. «Il n'aime pas trop le travail physique, il préfère être dans sa tête, il est super renfermé», explique Gabriel Maillé, qui incarne Simon.

«Mon personnage est un grand travailleur, il est dans la survivance et il est très amoureux de sa femme, décrit Luc Picard. Les agriculteurs ont des journées remplies de travail du matin jusqu'au soir, et cela, sans beaucoup de revenus. C'est ce que Guy m'apprend.»

En effet, pour être au plus près de son approche réaliste, le réalisateur a imposé à ses comédiens plusieurs répétitions avec la machinerie ou la traite des vaches. «Ils sont tellement willing; on leur met de l'huile dans la face, on les salit, ils ne sont absolument pas magnifiés, je suis choyé qu'ils acceptent et me donnent ça.»

C'est l'excellence du scénario qui a convaincu le producteur Luc Vandal, de Max Films, d'appuyer ce premier long métrage. «C'est un film d'auteur, avec des personnages forts, et nous avons eu l'approbation de la SODEC et de Téléfilm au premier dépôt, dit-il. Doté cependant d'un modeste budget de 2,9 millions de dollars, il faut savoir se débrouiller.»

«Ce film est un miracle tous les jours, s'exclame Guy Édoin. Sans mes parents, sans la production, sans cette équipe extraordinaire, on ne pourrait pas y arriver. Ils sont capables de se revirer sur un 10 cents, on joue à Tetris avec l'horaire, mais une de mes grandes qualités, c'est de savoir bien m'entourer.»

Marécages, qui devrait prendre l'affiche en 2011, met aussi en vedette François Papineau, Angèle Coutu, Denis Dubois et Julien Lemire.