Un aperçu des films vus au festival des films du monde.

>>>Bo

«J'aime raconter des histoires qui se jouent sur fond de contexte social», nous a dit le réalisateur Hans Herbots, cette semaine en entrevue. Il est vrai que son film Bo ne manque pas de tissu social, pour le paraphraser. Deborah, 15 ans, vit dans une banlieue très proche d'Anvers en Belgique. De l'autre côté du fleuve Escaut, elle entrevoit Jennifer, 18 ans, qui mène la belle vie et porte de belles fringues. Elle s'arrange pour faire sa connaissance. En fait, Jennifer est une escorte. Elle propose à Deborah d'essayer ce travail. Cette dernière se laisse convaincre, prend le nom de Bo, s'amourache de son souteneur et sombre de plus en plus dans une vie tordue. En dépit d'un scénario prévisible, le regard du réalisateur est sensible, le rythme est soutenu et on se coule aisément dans l'histoire, surtout à partir du moment où Bo entraîne Steffie, encore plus jeune qu'elle, dans son sillon. Le film souligne également - sans le développer - le problème du trafic de jeunes femmes en Europe. Une histoire troublante et nécessaire.

*** 1/2

Aujourd'hui (19h), demain (14h40) et lundi (12h30) au Quartier Latin.

>>>Enfants de soldats

La réalisatrice Claire Corriveau avait causé un certain émoi dans les rangs des Forces canadiennes à la suite de son documentaire Les épouses de l'armée, sorti il y a quelques années. Son dernier opus, Enfants de soldats, est dans la même veine. Tourné durant neuf mois à la base de Petawawa, son film donne la parole aux enfants et à la famille de quatre soldats en déploiement en Afghanistan ou qui en sont revenus.

Quatre familles, quatre façons de voir les choses. Certains enfants proposent des réflexions proches du discours militaire («Mon père est un héros») alors que d'autres prennent leurs distances avec une franchise déconcertante («C'est mieux lorsque mon père n'est pas là. Lorsqu'il est à la maison, il crie tout le temps.»). Au coeur de ces témoignages, ceux de la famille Kruse, dont le père, Gregory John, sera tué en Afghanistan deux jours après Noël, laissant une femme et trois orphelines. Jill, la veuve, rage d'avoir à «partager» son mari avec les militaires au moment des funérailles.

D'une facture classique, proche du reportage et sans imagination, le documentaire a cependant la qualité de ne pas s'autocensurer. De plus, dans le programme officiel, le résumé du film est décalé par rapport au contenu. Il y a une rupture de ton qui frôle la malhonnêteté intellectuelle.

** 1/2

Jeudi (19h30) et samedi prochain (21h30) au Cinéma ONF.

>>>Avoir 32 ans

Dès les premières minutes du film, on acquiert la certitude d'avoir affaire à des professionnels. Et on ne se trompe pas. La qualité des images de ce long documentaire ne s'use pas. L'idée n'est pas originale, mais l'effort fourni pour arriver au résultat mérite un grand coup de chapeau. Car Avoir 32 ans reprend là où la série documentaire Avoir 16 ans, diffusée au Québec en 1992, nous avait laissés. Le propos est limpide. Dans Avoir 16 ans, les réalisateurs allaient à la rencontre de jeunes afin de connaître leur vision de la vie et du monde.

Seize ans plus tard, ils ont retrouvé cinq d'entre eux. «Nous cherchons à voir s'il y a quelque chose d'universel lorsqu'on vieillit, indépendamment de qui nous sommes et d'où nous venons», dit le narrateur. Poser la question, c'est y répondre. La famille, bien sûr, est un phare, un point de rencontre, un noyau vers lequel on se tourne. Mais chacun verra et vivra les choses différemment. Quel beau documentaire que celui-ci, rythmé, racé, où, comme le dit si bien Rosie, une des adolescentes devenue femme, on nous fait la brillante démonstration que «le temps n'attend après personne».

*** 1/2

Mercredi (19h) et vendredi (14h30) au Quartier Latin

>>>Turquaze

L'immigration a de tout temps été un catalyseur de conflits. Et en ce début de siècle, elle semble se définir comme une question sur laquelle devront se pencher les peuples occidentaux où elle est en forte hausse. Turquaze aborde ce problème de front, mais avec une espèce de colère douce qui donne au film toute son étoffe.

Dans un quartier d'immigrants de Belgique, une famille d'origine turque composée de trois frères se remet de la mort du père, enterré au pays natal.

Ediz, l'aîné, tente d'imposer des règles conservatrices et garde ses distances avec les Belges alors que Timur, son cadet de quelques années, est amoureux d'une autochtone. Chacun appréhende l'arrivée de l'aimé dans la famille de l'autre et vice versa.

Ce film traite du regard ou plutôt de l'absence du regard d'individus par rapport à d'autres dans une communauté. Mais ce, sans parti pris. Ici, tout le monde a ses travers.

Ainsi, Timur, trompettiste de son état, tente de s'intégrer à la fanfare du quartier, mais constate que celle-ci se meurt parce que les nombreux immigrants ne s'y intéressent pas. Un beau film, tourné dans une lumière sale et grise (totalement dans le ton ici) qui donne à réfléchir.

*** 1/2

Aujourd'hui (14h30), demain (19h10) et lundi (12h20) au Quartier Latin

 

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