Quinze ans après avoir tourné Flamenco, film consacré à ce genre musical et à cette danse propres à l'Espagne, le cinéaste Carlos Saura revisite le même thème avec Flamenco, flamenco présenté au FFM. Pourquoi? Parce que la danse a évolué et les techniques cinématographiques aussi. Rencontre avec un homme de métier qui n'a pas peur de se renouveler.

> Consultez notre dossier sur le FFM
> À lire aussi : Carlos Saura salue la mémoire d'Alain Corneau

La conversation dure depuis un bon moment lorsque Carlos Saura ouvre un grand cahier posé devant lui, sur une table.

«Ça, c'est le scénario du film, dit-il en feuilletant les pages avec un plaisir évident. Avec l'ensemble des scènes que je dessine durant le tournage.»

Ce cahier renvoie à la structure, aux idées maîtresses qui ont mené à la réalisation de Flamenco, flamenco, son plus récent film qu'il est venu présenter en première mondiale dans le cadre du Festival des films du monde.

Signe que le réalisateur a régulièrement potassé dans son cahier entre deux prises, ces pages un peu fripées sont faites de courts textes et d'images, trois par pages, griffonnées à la hâte. Quelques coups de crayons, des couleurs vives, des personnages esquissés en mouvement. Ils dansent.

On dirait de l'aquarelle, lui fait-on remarquer.

«J'utilise ce qui me tombe sous la main. Parfois même du café», répond Carlos Saura en désignant les traces brunâtres dont la teinte va en décroissant sur un des dessins.

Cet échange illustre toute la vivacité d'esprit, tout l'amour qui embrase encore le cinéaste engagé, depuis plusieurs années, dans un cycle cinématographique sur la musique. Une dizaine, dit-il, sur un parcours comptant plus de 40 titres.

Avec Flamenco, flamenco, Carlos Saura revisite ce genre musical. En 1995, il avait en effet réalisé Flamenco, film réunissant les grands noms de cet art et où un narrateur en retraçait les origines.

Cette fois, pas de narration. Comme on l'a vu avec le film Fados, présenté récemment sur les écrans montréalais, ce nouvel opus présente une enfilade de numéros où le chant et la danse occupent chaque seconde.

Vive le numérique!

Pourquoi renouer avec ce genre? Parce que beaucoup de choses ont changé, répond le cinéaste. «Il y a, en Espagne, un nouvelle génération fantastique d'artistes, de chanteurs et danseurs du flamenco. J'ai pensé que ce n'était pas une mauvaise idée de montrer ce qui avait changé. Mon film présente de grands noms du flamenco et de jeunes représentants de cet art.»

Les moyens cinématographiques ont aussi changé. Carlos Saura, qui aura 79 ans en janvier, ne s'agrippe pas aux bobines de 35mm. La pellicule, c'est pas mal dépassé pour ne pas dire agonisant, dixit le grand cinéaste. C'est aussi parce qu'il voulait tâter de tous les nouveaux moyens numériques à la disposition du septième art qu'il a décidé de refaire un film sur le flamenco.

«Je collectionne les appareils photos et j'en possède plus de 600. Je connais très bien la technique, raconte le cinéaste. J'adore travailler avec les appareils numériques, pour la photo mais aussi pour le cinéma. Nous avons la possibilité de revoir les prises tout de suite et de réaliser des montages extraordinaires.»

La musique a toujours fait partie de l'univers de Saura, qui dit avoir une bonne oreille. Fils d'une pianiste, il découvert le flamenco dès sa jeunesse, lorsqu'il écoutait des ouvriers le chanter dans les rues de Madrid. Il était même convaincu qu'il deviendrait un grand danseur. Jusqu'à ce qu'il se présente à une professeur connue.

«Elle a mis de la musique et m'a dit de danser. Ensuite, elle m'a dit: «Saura, tu ferais mieux de faire autre chose»», dit-il en mimant une moue.

Comme dans Fados, Saura a tourné l'ensemble des numéros en studio. Il a troqué des fonds blancs éclairés d'une ou deux couleurs pour de grandes reproductions de tableaux imprimés sur des pellicules plastifiées.

Pourquoi le studio plutôt que l'extérieur? «Les artistes sont plus à l'aise, le son est parfait, il est plus facile de répéter, dit-il. En fait, je pense que l'on montre plus de respect envers les artistes en travaillant en studio.»

Carlos Saura repart dès aujourd'hui pour l'Espagne. Un autre projet de film l'attend. Le sourire aux lèvres, il garde pour lui-même son sujet de l'heure. L'entretien a duré juste assez longtemps pour saisir tout le charme de l'homme. Comme la musique, Carlos Saura aime la vie. Profondément.

____________________________________________________________________
Flamenco, flamenco est présenté ce soir au cinéma Quartier latin (salle 9) à 21 h 30.