Le samedi 18 septembre, à 22h, Radio-Canada présente le documentaire Se souvenir des cendres tourné par Anaïs Barbeau Lavalette pendant le tournage d'Incendies (la cinéaste était sur place en prévision d'un projet de film touchant la Palestine). Précision importante: non, ce n'est pas un making of, mais bel et bien un fascinant documentaire inspiré notamment de la vie des techniciens, comédiens, etc. rencontrés en Jordanie lors du tournage.

Tournage international

Toute l'équipe québécoise d'Incendies s'est d'abord rendue une première fois en Jordanie pour établir des contacts, faire du repérage, etc., avant d'y retourner deux mois plus tard pour 25 jours de tournage. À cette occasion, l'équipe a notamment reçu la permission de fermer pendant 24 heures une grande rue commerçante de la ville de d'Amman, capitale de la Jordanie, ce qui a causé un certain choc aux habitants du coin : bien qu'avertis, ils se sont réveillés dans un décor de guerre qui a rappelé à certains de très mauvais souvenirs. En effet, 60% des réfugiés palestiniens, un million d'Irakiens qui ont fui leur pays et de nombreux Libanais qui ont échappé à la guerre vivent en Jordanie.

Radiohead

Incendies s'ouvre sur une séquence inoubliable, angoissante, étrange, portée par une chanson de Radiohead, You and Whose Army?. Une autre chanson du groupe Like Spinning Wheels figure dans la trame sonore du film. C'est grâce aux contacts de Phoebe Greenberg (PhiGroup), qui a soutenu Villeneuve régulièrement ces dernières années, qu'il a été possible d'obtenir à «un super bon prix, un vrai cadeau» les droits de deux chansons du groupe... qui a vu le film et qui, emballé, a donné son aval. C'est la première fois que Radiohead accepte que deux de ses chansons soient utilisées dans un même film.

Collaborateurs clés

«Pour Incendies, je me suis fait plein de gros cadeaux», dit Denis Villeneuve, en faisant notamment référence à l'équipe technique française qui l'a soutenu: la monteuse Monique Dartonne («C'est la monteuse des films de Tony Gatlif, il fallait que ce film, qui parle de la guerre des hommes, soit monté par une femme»), le preneur de son Jean Umansky («extraordinaire de passion et d'humilité, qui a réussi à enregistrer le son des feuilles, des cailloux du Proche-Orient») et le compositeur Grégoire Hetzel («c'est le compositeur de mon cinéaste français préféré, Arnaud Desplechin»).

Décors

Si certains décors naturels ont été utilisés tels quels en Jordanie, par exemple la maison de la grand-mère de Nawal, d'autres ont été conçus en s'inspirant de choses vues au Proche-Orient : celui de la prison «imaginaire» de Kfar Rayat est inspiré de celui d'une vraie prison au sud du Liban, que l'équipe a visitée car elle est désormais transformée en musée. Comme dans le film.

Casting

Pour les scènes de guerre tournées en Jordanie, Villeneuve a fait appel à de nombreux figurants non comédiens. Mais il a également fait appel à des acteurs professionnels comme l'incroyable comédien montréalais d'origine arabe Abdelghafour Elaaziz et le subtil acteur torontois Allen Altman.

«C'est Lubna (Azabal) et Mélissa (Désormeaux-Poulin) qui portent le film, il leur doit tout»,dit Denis Villeneuve avec humilité, avant de souligner l'importance qu'a eu pour lui l'apport de Maxim Gaudette et de Rémy Girard : «Et ça m'a touché que Rémy a accepté de tenir un rôle plutôt en retrait, celui du notaire québécois. En écrivant ce rôle, j'avais deux comédiens en tête : Rémy et... Roman Polanski. Je trouve qu'ils ont tous deux la même vulnérabilité, la même tristesse. Je suis heureux que Rémy prête sa noblesse au personnage. «

LES COMÉDIENS

Mélissa Désormeaux-Poulin

(Jeanne Marwan)

«Jeanne est une cérébrale, une logique, c'est une mathématicienne qui sait qu'elle ne pourra pas vivre en paix sans savoir. Elle a vécu avec une mère qui était là pour faire à manger, faire les lits, etc., mais qui «n'était pas là» émotivement, psychologiquement. Le film de Denis, que j'ai tourné avant d'avoir vu la pièce, est très réaliste, c'est une course constante entre l'action et la découverte. Et je vais me souvenir toute ma vie du tournage de ma première scène en Jordanie, une scène vraiment dure, pour laquelle j'ai eu, une chance, 12 heures d'avion pour m'y préparer...»

Maxim Gaudette

(Simon Marwan)

«Simon est en colère, mais il est aussi inquiet, pour sa soeur et pour lui. C'est un être qui est blessé et qui craint de l'être encore, qui va l'être d'ailleurs... En Jordanie, quand on a tourné la scène qui se déroule dans le camp de réfugiés -qui n'est pas un décor, c'est un vrai camp de réfugiés, avec les enfants, les familles, ce ne sont pas des acteurs mais de vraies personnes- il est complètement déstabilisé. La vérité, c'est que moi aussi, je l'étais... J'ai vu le film deux fois et chaque fois que je vois cette semaine, je sais que Simon ET Maxim sont fragilisés, sans repères. «

Rémy Girard

(le notaire Jean Lebel)

«Mon personnage est le dépositaire de l'histoire, le guide discret -et moi qui ai fait mon droit, ça me faisait plaisir de jouer un notaire! J'avais en plus vu la pièce de Wajdi, qui m'avait secoué complètement. Mais surtout, j'avais le désir profondément de tourner avec Denis (Villeneuve). Tourner en Jordanie avec lui, c'était un choc. J'ai pu visiter un peu, je n'en revenais pas d'être parfois en terre sainte, parfois dans un camp de réfugiés palestiniens... Je trouve qu'Incendies est un film audacieux, je suis fier que notre cinéma puisse aborder des sujets comme ça, aussi complexes, aussi éloignés de nous, et avec une telle maîtrise. On sait raconter des histoires.»

À lire également, Incendies: les feux de la colère et Lubna Azabal: le souvenir du bonheur.