La Mostra de Venise a récompensé samedi l'Américaine Sofia Coppola, Lion d'Or de cette 67e édition pour son film Somewhere, et ignoré les films italiens à un moment où le plus vieux festival de cinéma du monde subit de plein fouet la concurrence de celui de Toronto.

À 39 ans, Sofia Coppola, revenue spécialement à Venise, est apparue comme une ballerine gracile en robe bustier pour recevoir sa statuette ailée et embrasser le président du jury, le réalisateur Quentin Tarantino qui fut son compagnon.

Même si ce dernier a aussitôt voulu désamorcer toute polémique, il n'a pas pu ignorer le soupçon d'un possible conflit d'intérêts au profit de ses amis, avancée dès l'ouverture des festivités.

D'autant qu'un Lion d'Or spécial a été attribué à Monte Hellman, figure culte du cinéma indépendant ... qui fut aussi le mentor, le découvreur et le premier producteur de Tarantino pour Réservoir Dogs.

«En 1992 j'avais un ami dans le jury de Sundance (le festival du cinéma indépendant américain) et Monte m'avait prévenu: il n'y a rien de pire pour toi, il sera bien trop embarrassé de te remettre un prix. Donc je n'avais pas l'intention de me laisser entraîner là-dedans. D'ailleurs, Sofia ne connait aucun autre juré et le prix lui a été décerné à l'unanimité», a-t-il assuré samedi soir.

Mais l'amertume à peine voilée de la presse italienne et des commentateurs est alimentée par l'absence totale de l'Italie au palmarès: aucun des quatre films présenté en sélection officielle - 41 avec les sélections parallèles - par le cinéma transalpin n'a reçu la moindre distinction, alors que l'Espagnol Alex de la Iglesia cumulait le Lion d'Argent de la Meilleure mise en scène et le prix du meilleur scénario pour sa Balada Triste de la trompeta, parodie grinçante à travers l'Espagne franquiste - très «tarantinesque» dans la forme et l'esprit.

Et le Prix spécial du Jury récompensait Essential Killing, du Polonais Jerzy Skolimowski et la Coupe Volpi son acteur principal, l'acteur américain Vincent Gallo, pour son rôle entièrement muet de taliban en fuite défendant chèrement sa survie.

«Le superflop du cinéma italien», ne pouvait s'empêcher dimanche de noter le quotidien La Reppublica, parlant de «débâcle». «Au Lido, notre cinéma fait un flop», ajoutait La Stampa.

Cette absence est tout à fait inhabituelle, tant la tradition veille d'ordinaire à honorer le pays hôte - «comme la France l'est à Cannes», remarque Marie-Pierre Duhamel, membre du comité de sélection de la Mostra.

D'autant que le festival a attiré un public, essentiellement italien avide et curieux, en hausse de 17% par rapport à l'année précédente, selon les organisateurs.

Mais en dépit d'une sélection jugée riche, en prise sur son temps et soucieuse de revisiter le passé, la Mostra a paru manquer d'éclat faute de célébrités étrangères, et en partie aussi à cause d'une météo médiocre et d'un environnement plombé par le chantier de construction du futur palais du festival - dont l'ouverture est prévue en 2012 - alors que le mythique Hôtel des Bains est fermé pour rénovation.

La manifestation subit aussi le contre-coup de la crise économique - moins de stars, moins de fêtes - accentuée par la concurrence du festival de Toronto, au Canada: un festival sans jury, contrairement à Venise (et Cannes ou Berlin), mais devenu le plus grand rendez-vous américain du 7e Art, avec 400 films présentés en vitrine et surtout un important marché, et où se pressent cette année Robert De Niro, Kevin Spacey, Uma Thurman, Clint Eastwood et Robert Redford.

En effet, reconnaît Mme Duhamel, «se présenter à un festival, assurer le voyage de l'équipe de production et des acteurs, les frais de promotion et de présentation, coûte cher». Avec le risque, au final, de passer inaperçu dans le flot des projections.