À l'origine d'un cri, il y a un fils, un père et un grand-père.

Patrick Hivon: Le fils

Casser le cercle vicieux

Depuis l'enfance, Hugo, le fils, porte un lourd secret. Une chose affreuse. Il en résulte une longue détresse qui se sublime un jour en une rage permanente, assumée, consommée.

Dans le film, le fils est un dur qui cache un coeur meurtri.

Dès la première lecture du scénario, Patrick Hivon s'est reconnu dans Hugo. Non pas à travers ce qu'il a vécu, mais à travers la condition d'être un homme et du bagage lié à celle-ci.

«Hugo a un refoulement épouvantable de quelque chose qui ne se dit pas dans un monde de gars, explique le comédien en analysant son personnage. Il se sent faible. Il a honte. Un gars, ce n'est pas censé être vulnérable. Même petit, on a déjà un gros poids d'être un gars.»

Ayant grandi dans un quartier dur de Montréal (Saint-Michel), Hivon a eu à vivre avec le diktat de cette condition masculine. «J'aimais les fleurs, se remémore-t-il. J'aimais l'art. J'étais sensible à la beauté. Mais j'avais de la difficulté à sentir le droit d'exprimer des choses comme celles-là. Je sentais cette pression d'être un gars, de ne pas avoir peur.»

Pour ce dernier, qui participe à son premier long métrage en carrière, il y a quelque chose de libérateur dans cette histoire. Hugo, en faisant un geste fou, suicidaire même, dans un bar, réussit à briser un cercle vicieux, un lourd bagage culturel qui mine sa famille depuis des générations.

«Pour moi, c'est un film rempli de lumière mais avec des personnages sombres, dit Hivon, père de deux jeunes enfants. Le film, c'est le parcours de la rédemption. On va des ténèbres à la lumière.»

Il rigole à s'écouter parler ainsi. «Ah! J'aurais dû être curé!»

Michel Barette: Le père

Entre la vie et la folie

Ce rôle, intense, du père dans le film de Robin Aubert constitue un moment charnière dans la carrière de Michel Barrette. Parce qu'il est un contre-emploi extrême pour l'humoriste que l'on voit encore et encore en lui.

En entrevue, Barrette lance: «Ce rôle-là, je me serais battu, je me serais prostitué pour l'avoir. C'est le plus beau cadeau professionnel de mes 27 dernières années. Parce que ça m'a tellement obligé à aller ailleurs.»

En faisant le bilan de sa carrière, il compte déjà une quinzaine de films à son actif. «Mais chaque fois que je remonte (sur scène), que je fais rire les gens, on dirait qu'ils oublient. Cette fois, je pense que personne ne sortira de là en se disant: «Il est drôle, Barrette.»»

Et comment! Ici, il devient un homme si meurtri par la mort de sa femme qu'il en déterre le cadavre et se promène avec celui-ci d'un hôtel miteux à un autre dans l'espoir, secret et tragique, de la voir revenir à la vie.

Parlant de ce père, de cet homme, Barrette évoque «la ligne mince entre ce que l'on vit et la folie». Est-ce possible dans la vraie vie? lui demande-t-on. Dans un sens, oui, dit-il. Face à une douleur d'amour aussi forte, le fantasme, le geste parfois ont quelque chose qui dépasse l'entendement.

«Lorsqu'on vit un tel deuil, on a le goût de ne pas laisser l'autre partir. Si on avait ce pouvoir-là de le conserver, de le garder, de l'enlever, de l'obliger à nous survivre, on le ferait. C'est ce que Robin a réussi à démontrer.»

Quant à cette transmission de caractères générationnels qui teinte tout le film, il y croit. «J'ai été le premier à dire que, lorsque je serais vieux, je ne serais pas comme mon père. Mais on repasse par les mêmes chemins.»

Jean Lapointe: le grand-père

Concentration et improvisation

Robin Aubert a maintes fois répété qu'il voulait Jean Lapointe pour le rôle du grand-père parce que le comédien lui rappelle le sien. D'ailleurs, si Jean Lapointe avait refusé, Aubert n'aurait pas tourné le film.

Reconnaissant que cela est très flatteur, Lapointe s'est, durant tout le tournage, littéralement coulé dans la peau de cet homme.

«Robin m'a décrit son grand-père et m'a envoyé une vidéo de ce dernier où il chante la chanson que je fais dans le film, raconte-t-il. À partir de la deuxième journée, j'étais lui. Robin me disait que c'était exactement ça, de ne rien changer. J'ai gardé intérieurement toute sa présence d'un bout à l'autre.»

Ce grand-père, c'est un homme un peu bougon avec un bon sens de l'humour, croit M. Lapointe. «C'est un monsieur rempli d'amour pour sa famille et ses amis, dit-il. Et il est généreux. Ce n'est pas un égoïste.»

Comme Michel Barrette et Patrick Hivon, Lapointe souligne ces antécédents familiaux qui collent aux trois personnages. «Dans cette famille, ce sont tous des biberons, dit-il à propos de leur penchant pour la bouteille. Ce ne sont pas le genre de personnes à se dire «Je t'aime», mais c'était le genre à le prouver. C'était dans l'action et non dans les paroles que ça se décidait.»

M. Lapointe affirme qu'il lui a fallu beaucoup de concentration pour ce rôle. «Il y avait des choses très délicates et il ne fallait pas se tromper.»

Mais, en s'appuyant sur ses réflexes, il a aussi beaucoup improvisé, notamment une scène très touchante où il prend soin de son fils comme si ce dernier était encore un petit garçon.

«Dans cette scène, il y a 50% de scénario et 50% d'improvisation, ajoute-t-il. Je l'ai fait d'instinct. Après, Robin m'a fait un maudit beau clin d'oeil en voulant dire que j'avais fait la job.»

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