«Déconcertant», «secret», «peu bavard»... Woody Allen n'est sans doute pas le plus extraverti des cinéastes américains, mais les acteurs de son dernier film, «Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu», s'accordent tous à qualifier d'unique leur travail avec l'«icône».

Pour Gemma Jones, une actrice britannique à la longue expérience théâtrale, la première grande surprise a été le coup de fil de son agent lui annonçant que Woody Allen avait pensé à elle pour un rôle.

«Jamais je n'aurais imaginé qu'une telle chose fût possible, ça ne m'avait même pas effleurée», a-t-elle déclaré à quelques journalistes à Beverly Hills, lors de la promotion du film sorti cette semaine en Amérique du Nord.

Pas de scénario - «il est de notoriété publique que Woody ne donne pas aux acteurs le script à l'avance», dit-elle - et pas de contact direct avec le maître avant les premiers essais de costumes.

«Il m'a fallu 2 ou 3 jours pour m'habituer au fait que j'étais vraiment dans la même pièce que cette icône», ajoute la comédienne, qui apprendra par la costumière que son rôle est l'un des principaux du film - nouvelle variation sur des couples en crise égarés dans les méandres de l'amour.

Anthony Hopkins, lui, a eu le droit de lire le scénario avant de prendre sa décision. «Normalement, il ne l'envoie pas, c'est toujours top secret», raconte-t-il. «Je ne pouvais le montrer à personne et devais le renvoyer immédiatement après l'avoir lu. J'ai dit oui».

Quant à la jeune Lucy Punch, qui interprète la jeune épouse délurée et superficielle d'Anthony Hopkins, elle a dû se payer son billet d'avion pour aller auditionner, après que Nicole Kidman eut renoncé au rôle.

«Il a fallu que j'interprète beaucoup de scènes du film pour décrocher le rôle, car Woody Allen n'était pas familier de mon travail», dit-elle.

Sur le plateau, inutile d'attendre du réalisateur de Manhattan, âgé de 74 ans, beaucoup d'indications de jeu, ni avant ni après les prises.

«Ca ne l'intéresse pas beaucoup de parler du fond des personnages. Il considère qu'il travaille avec des acteurs qui ont fait leur travail en amont», explique Gemma Jones. «Il est très calme, il ne dit pas grand chose et parle très doucement», confirme Anthony Hopkins.

«Au début, c'était un peu déconcertant. Je me demandais : «Est-ce qu'il aime ce que je fais? Est-ce qu'il pense que je suis nulle?» Je ne savais pas ce qu'il pensait», raconte Gemma Jones. «Mais finalement, c'est quelque chose que j'ai fini par apprécier. Il ne vous fait jamais la leçon».

«Il m'a donné une grande confiance en moi», affirme en écho Lucy Punch. «Je savais qu'il me dirait très peu de choses, alors j'étais préparée». Presque trop, si l'on en croit la jeune femme. «Je le saoulais avec des millions d'idées, et il me disait: «Ne me dis rien! Je ne veux pas entendre tout ça!»»

Si le cinéaste fuit les commentaires inutiles, il n'en reste pas moins ouvert aux propositions. «Il vous laisse vous approprier le rôle, le faire vôtre. Le cadre est assez strict, mais il ne défend pas son texte jalousement», assure Gemma Jones.

Anthony Hopkins observe que le cinéaste lui a demandé s'il avait des remarques à faire sur son personnage, et qu'il les a prises en compte.

«C'est très agréable de travailler avec lui», dit-il. «Quand il entre dans une pièce, tout le monde veut l'approcher. C'est une figure légendaire, un petit gars très drôle, vraiment très drôle. C'est vraiment un type unique».