Il y a de la science-fiction dans le roman très aimé de Kazuo Ishiguro Never Let Me Go. Il y a aussi une histoire d'amour sur fond de mortalité que le scénariste Alex Garland et le réalisateur Mark Romanek ont voulu mettre en relief dans l'adaptation pour le cinéma. Appuyés en cela par deux stars montantes, Carey Mulligan et Andrew Garfield. Rencontres.

«C'est un projet qui a été difficile à vendre parce que rien n'est facile dans cette histoire», a admis Alex Garland, qui n'est pas homme de concessions mais qui a aussi écrit des scénarios plus accrocheurs aux yeux des studios, comme 28 Days Later.

Rencontré au Festival international du film de Toronto, le scénariste a évoqué l'aventure de Never Let Me Go - c'est-à-dire l'adaptation pour le grand écran du roman de son ami Kazuo Ishiguro, que le réalisateur Mark Romanek a mis en images et dont les rôles principaux sont tenus par Carey Mulligan (An Education) et Andrew Garfield (The Social Network).

Never Let Me Go se déroule dans une réalité parallèle. On le découvre petit à petit. Parce que rien ici, à l'écrit comme à l'écran, ne se fait par une exposition qui ne semblerait pas naturelle. Dans cette réalité-là, des enfants grandissent dans une école qui est aussi leur lieu de vie et de tous les apprentissages. Pas de parents à l'horizon. Pas «d'extérieur» hors des murs de l'institution d'où, un jour, ils sortiront pourtant. Pour faire face à un destin, à leur destin, dont ils ne savent rien, ou si peu.

C'est à travers la voix de Kathy (Carey Mulligan) que le voile se lève. Sur elle, bien sûr, mais aussi sur Tommy (Andrew Garfield) et sur Ruth (Keira Knightley), trois amis formant un triangle aux angles aigus; mais également sur les professeurs telles miss Emily (Charlotte Rampling), raide dans ses robes et rigide dans ses principes, et miss Lucy (Sally Hawkins), lumineuse étoile filante.

«J'ai lu le roman dès sa sortie, j'ai aimé cette histoire d'amour sans romantisme, et j'ai rêvé d'incarner Kathy. J'aime ce personnage qui dit peu mais qui est de toutes les scènes», raconte Carey Mulligan.

Ça tombait bien: l'un des producteurs du film avait assisté à une projection de An Education au festival de Sundance et avait immédiatement envoyé un courriel au réalisateur Mark Romanek: «Engage la géniale Mulligan», se souvient le réalisateur qui, lui, a poursuivi studio et producteurs pour prendre les rênes de ce film. «Parce que c'est une histoire inspirante sur le côté précieux de ce temps que l'on a. La science-fiction, ici, sert à la parabole. Elle n'est pas le moteur du récit.»

Une science-fiction dont il est préférable de ne rien dire: découvrir cette dimension fait partie de l'expérience. De l'immersion. Simplement mentionner que ce que sous-entend ce pan du récit mène presque inévitablement à des questions du genre: «Pourquoi ne se sauvent-ils pas?» «Ils» étant les élèves de l'institution. Pourquoi? Parce que Kazuo Ishiguro a voulu écrire au sujet «des personnes qui acceptent leur destin»: «Elles m'intéressent plus que celles qui essaient de fuir... et elles sont plus nombreuses qu'on le croit. Les gens acceptent en majorité la place qui leur est assignée. Combien sont prisonniers d'un mauvais mariage? D'un mauvais emploi?»

Une docilité qui s'explique aussi par l'absence de repères chez ces jeunes: «Les professeurs ne touchent jamais ces enfants. Ils grandissent sans parents et sans figure parentale. Ils n'ont aucun modèle à qui s'identifier. Alors, ils acceptent leur sort», fait Andrew Garfield.

Kazuo Ishiguro emploie une écriture très simple. «J'ai voulu créer une grammaire visuelle à cette image», fait Mark Romanek, qui a toutefois eu quelques casse-tête à résoudre en cours de route. Never Let Me Go se déroule en effet en trois temps. Pendant la première partie du film, les enfants sont... des enfants. Ils deviennent adolescents et jeunes adultes dans les actes subséquents. «Il était important pour moi que les jeunes comédiens ressemblent à mes interprètes principaux.» Physiquement, mais aussi dans l'énergie.

Pour cela, «il nous a fait jouer des scènes qui seraient, à l'écran, interprétées par les plus jeunes, raconte Carey Mulligan. Eux pouvaient voir comment nous la jouions, cela leur servait de base; et pour nous, ces moments sont devenus comme des souvenirs de nos personnages». Lesquels se sont ainsi ancrés en eux plus profondément.

Peut-être est-ce pour cela que lesdits personnages sont de ceux qui nous hantent - et que Never Let Me Go, peu importe le goût qu'on lui trouve, est de ces films auxquels on pense et repense après coup.

Never Let Me Go (Près de moi) prend l'affiche le 8 octobre.