Icône du cinéma porno gai, François Sagat tâte maintenant du cinéma d'auteur sous l'égide de Christophe Honoré. Homme au bain n'annonce pas un changement radical de vocation pour autant.

À sa façon, François Sagat est déjà une star. Dans l'avion qui l'emmenait à Montréal, un agent de bord l'a même repéré malgré le bonnet camouflant son tatouage crânien (son signe distinctif) et lui a réclamé un autographe.

«Les gens sont habituellement très gentils avec moi, racontait l'acteur hier en entrevue à La Presse. Il est rare que l'on me drague de façon agressive. Il faut dire que je mène une vie plutôt rangée. Je vais rarement dans les fêtes ou dans les boîtes de nuit.»

Depuis cinq ans, François Sagat a tourné plus d'une quarantaine de films. Très pornos. Et très gais.

Celui qui, ado, fut le rejeté de la bande pour cause de chétivité et d'intérêts suspects (il aurait aimé être styliste de mode), s'est sculpté un corps de dieu grec. Il en joue aujourd'hui goulûment, autant de sa virilité un peu revancharde que des symboles qui s'y rattachent. Suprême ironie, Sagat a déjà été efféminé.

Son corps ayant été construit à grands coups de mouvements bodybuildés, le hardeur s'est vite hissé au sommet du genre. Et en bonne position au rayon du fantasme homo. Six mois après avoir fait ses débuts dans le X en France, les Américains l'ont réclamé. En 2007, il est élu «performer» de l'année là-bas. Sagat est encore aujourd'hui sous contrat «exclusif» avec la société Titan, l'un des grands acteurs du domaine.

«J'ai pris une pause du porno, souligne-t-il pourtant. Je n'en ai pas tourné depuis un an. Mais j'en ferai d'autres. Parce que j'aime mon métier. En revanche, les intrusions dans la vie privée, les commentaires sur les blogues spécialisés, et toute cette culture découlant de l'internet et des réseaux sociaux me désolent un peu. Je sais que ça peut paraître un peu étrange, mais je suis quelqu'un de foncièrement pudique!»

Ses partenaires de jeu - qu'il choisit maintenant - sont des mecs avec qui «il travaille». Du cul professionnel auquel peut se greffer parfois des liens de camaraderie. Mais pas de sentiment. N'allant aux États-Unis que pour le boulot, Sagat mène sa vie en France et garde une attitude sereine par rapport à son métier.

«Le cliché du mec qui tombe dans le porno par dépit et qui perd son âme complètement là-dedans, ce n'est pas pour moi, tranche-t-il. Mais je sais que ça existe. Mon régime de vie est sain. Je n'étais pas quelqu'un de particulièrement sexuel au départ, mais j'étais quand même intéressé. Même si je consommais du porno un peu comme tout le monde, je ne pensais pas que j'y gagnerais ma vie un jour. Cela dit, c'est quand même moins payant que ce que les gens peuvent croire. Le téléchargement illégal fait mal à l'industrie.»

Un acteur en devenir?

François Sagat fut présenté à Christophe Honoré par l'acteur et cinéaste Gaël Morel. Le réalisateur des Chansons d'amour utilise dans son film la plastique de l'icône comme une transposition moderne du tableau Homme au bain de Gustave Caillebotte, peint en 1884. Un rôle quasiment muet, où le corps nu de Sagat est évidemment mis en valeur. Honoré utilise aussi les talents de dessinateur de sa vedette pour les intégrer au récit.

«Je ne sais pas encore si j'ai le désir de devenir un acteur - il faudrait que j'étudie l'art dramatique pour ça - mais il est certain que le monde de l'image m'intéresse», soutient le principal intéressé.

Sagat était aussi la tête d'affiche de L.A. Zombie, un film porno «gai gore» de Bruce LaBruce, présenté un peu plus tôt cette semaine au FNC. «J'aurais aimé qu'on aille encore plus loin!» commente en outre cet admirateur de films d'horreur.

L'acteur comprend aussi la fascination qu'exerce sur les gens ceux qui, après avoir fait leur marque dans le porno, passent au cinéma «légitime». Contrairement à certains d'entre eux, qui tentent d'effacer leur passé une fois cette étape franchie, Sagat assume totalement tout ce qu'il a fait.

Il a par ailleurs aussi déjà déclaré n'être jamais tombé amoureux, mais concède aujourd'hui qu'il s'agit d'un petit mensonge. «Mais c'est vrai qu'il n'y a pas d'homme dans ma vie. Pour l'instant, l'idée de former un couple avec quelqu'un ne me séduit pas. Plus tard peut-être.»

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Homme au bain, ce soir à 21 h 45 au Cinéma Parallèle.