Film hors norme, Adem (Oxygène) a remporté le Grand Prix des Amériques au dernier Festival des films du monde de Montréal. Il revient maintenant sur nos écrans. Rencontre avec le réalisateur belge Hans Van Nuffel et les deux principaux comédiens.

L'entrevue n'est pas encore commencée que Hans Van Nuffel tousse un peu, reprend son souffle, tousse encore en peu puis s'excuse en esquissant un sourire.

Voilà son univers. Le cinéaste belge n'avait que 2 ans lorsque les médecins ont diagnostiqué qu'il souffrait de fibrose kystique. Il en avait 29, à la fin du mois d'août, au moment de son passage au Festival des films du monde (FFM) pour présenter Adem (Oxygène), son premier long métrage.

Passage réussi puisque Van Nuffel est reparti avec le Grand Prix des Amériques, récompense ultime du FFM allant au meilleur long métrage inscrit en compétition officielle, et le prix oecuménique.

Chronique d'une course à la vie où le moindre obstacle peut signifier la mort, Adem met face à face et... dos à dos deux hommes, Tom et Xavier, qui abordent la maladie de façon diamétralement opposée.

Tom, le jeune, brûle la chandelle par les deux bouts. Il fume, boit, prend de la drogue et fait les quatre cents coups avec des copains aux passés, présent et futur douteux. Xavier, l'aîné, affronte sa maladie en poussant les efforts physiques à l'extrême.

Un jour, au seuil de leurs derniers souffles, les deux hommes se retrouvent dans des chambres contiguës, dans le même hôpital, à attendre les poumons d'un même donneur...

«Ce film ne porte pas sur la fibrose kystique, mais sur l'instinct de survie, indique Hans Van Nuffel en entrevue. Je crois que les gens ne font pas très attention à la fragilité de la vie. Mes personnages principaux y sont, au contraire, très sensibilisés. Ils veulent réaliser le plus de choses dans un temps restreint. Cela affecte la façon dont ils se perçoivent.»

Comme il souffre d'une forme légère de la maladie, le réalisateur maîtrisait son sujet. «Je sais à quoi la maladie ressemble, dit-il. Je n'ai pas eu à faire beaucoup de recherches pour expliquer ce qu'il en est.»

Ressemblances

Dans le film, Tom a un frère aîné, Lucas, lui aussi malade, et rencontre une jeune fille magnifique, Eline, en isolement complet. Chacun vit à sa façon avec sa maladie. Lorsqu'on demande à Van Nuffel s'il s'identifie davantage à l'un ou l'autre de ses personnages, sa réponse est classique: à tous et à aucun. «Chacun représente différentes voix intérieures, différentes approches que j'ai connues de la maladie», dit-il.

Selon lui, il existe des personnes qui, à l'image de Tom, choisissent de vivre une vie extrême quitte à voir celle-ci très écourtée.

«Oui, il y a des gens qui veulent vivre à la façon de Tom, dit-il. Ils ont une vision fataliste de la vie. Tom cherche à ignorer son état. C'est un mécanisme de défense. Il ne veut pas être déçu de ne pouvoir faire certaines choses, alors il choisit de ne pas faire des choses qu'il voudrait faire.»

Le jeune comédien Stef Aerts, qui incarne Tom, indique qu'à la première lecture du scénario, le thème lui semblait ardu. «Il me semblait difficile de tirer un film intéressant de cette histoire, mais je croyais en les artisans», dit-il.

Il perçoit son personnage comme un jeune homme hésitant et démuni. «Tom s'inquiète beaucoup de son état, mais il ne sait pas comment faire pour affronter sa maladie. Ça le paralyse. Par conséquent, il agit stupidement.»

Xavier a sur lui l'ascendant d'un grand frère. Une observation que partage Wouter Hendrickx, qui l'incarne. «Dans le dossier de presse, on me définit comme un mentor. Je ne vois pas mon rôle ainsi, argue-t-il. Je pense davantage que j'agis comme un frère aîné qui fait comprendre à Tom qu'il faut vivre au maximum.»

S'ensuit un bel échange entre les deux comédiens.

«Tom dénie la maladie. Il s'échappe dans l'alcool et les drogues. C'est là que Xavier entre en ligne de compte et lui dit de cesser ses folies», dit Hendrickx.

«Mais dans un sens, Xavier aussi a tout faux, réplique Stef Aerts. Il est incapable de faire face à ses limites. Il ne veut pas s'arrêter.»

Et les deux comédiens de poursuivre joyeusement le débat. Décidément, ce film-là a du souffle!

Adem est actuellement à l'affiche.