Le réalisateur et scénariste canadien Paul Haggis, oscarisé en 2006 pour Crash, s'essaie pour la première fois au thriller avec The Next Three Days, un remake hollywoodien du film français Pour elle de Fred Cavayé, pétri de «foi et de conviction».

L'acteur néo-zélandais Russell Crowe succède à Vincent Lindon dans le rôle d'un homme qui assiste impuissant à l'arrestation de sa femme pour meurtre (Elizabeth Banks) et décide finalement, convaincu de son innocence, de planifier son évasion au péril de sa vie et de sa santé mentale.

«J'ai toujours voulu faire un thriller, je suis un grand admirateur des films à suspense américains et européens des années 70», raconte à l'AFP le cinéaste, qui a découvert Pour elle grâce à son associée.

«C'est un film excellent, qui soulève beaucoup de questions très importantes», dit-il. «J'ai pensé que je pouvais explorer ces questions moi-même et y apporter mes propres réponses».

Le cinéaste, qui remporta en 2006 les Oscars du meilleur film et du meilleur scénario pour Crash, a pris son temps pour raconter l'histoire – 2 h 13 pour le remake américain contre 1 h 36 pour l'original français – et a pu ainsi «creuser davantage les personnages» et «rendre leurs choix plus difficiles».

«Par exemple, dans la version française, (Vincent Lindon) n'a jamais pensé à abandonner son fils en chemin», observe-t-il.

«D'une certaine manière, je pense que le film original avait une touche plus américaine et que le mien ressemble davantage à un film français. C'est amusant de penser qu'un cinéaste nord-américain a pu s'emparer d'un film français et le rendre plus sombre!» remarque-t-il.

«Pour moi, c'est vraiment un film sur la foi et la conviction», assure le réalisateur. «Quand vous avez foi en quelqu'un, quelles que soient les preuves, vous refusez de voir la vérité en face. Et cette force de conviction a un effet transformateur: la personne devient ce que vous voulez qu'elle soit».

Cette confiance aveugle, que l'on trouve chez le personnage principal, croyant dur comme fer à l'innocence de sa femme, se retrouve également dans... le public du film, selon Paul Haggis.

«Le public veut tellement croire au happy end qu'il refuse de voir ce qui est vraiment à l'écran», relève-t-il. Sans dévoiler les rebondissements du film, on dira juste que le cinéaste s'est bien gardé de donner toutes les réponses, laissant une latitude d'interprétation au spectateur.

Libre à chacun, par exemple, d'inventer «les trois prochains jours» de la vie des personnages, qui débutent là où s'achève le film. Si cette histoire a une morale, c'est que «lorsqu'on décide de faire quelque chose, il faut accepter d'en payer le prix, parfois terrible», dit Paul Haggis.

Russell Crowe, visage fatigué et regard triste, de plus en plus détaché de la vie - et notamment de son fils - à mesure qu'il élabore son plan d'évasion, était le premier choix de Paul Haggis, même si ce dernier affirme qu'il n'a pas écrit le rôle spécialement pour lui.

«Je ne pense jamais aux acteurs quand j'écris une histoire. C'est leur rendre un très mauvais service, car vous les confinez dans ce qu'ils ont déjà fait auparavant», dit-il. «Je préfère développer les personnages, finir le scénario et choisir ensuite qui va les jouer.»

Paul Haggis s'attaquera bientôt au scénario d'un autre remake, celui du film espagnol Cellule 211, l'histoire d'une émeute dans une prison. «J'ai trouvé que c'était un film remarquable, brutal et très imprévisible, qui dit des choses très intéressantes sur le système carcéral. Ce sera mon prochain scénario, mais je ne sais pas encore si je vais le réaliser», dit-il.