Plusieurs dizaines de personnes qui ont travaillé sur le film La run des frères Demian et Leonardo Fuica sont en colère. Bien que le film soit terminé, ces gens n'ont jamais été payés et réclament justice.

«La production de La run se vante d'être un film indépendant, mais indépendant de qui? demande par courriel un technicien qui a travaillé sur le film. Les nombreux membres de l'équipe (plus d'une trentaine) n'ont pas encore vu la couleur de leur argent.»

La semaine dernière, La Presse a fait part de ce tournage mettant en vedette Jason Roy-Léveillée, Nanette Workman et plusieurs autres comédiens de renom. Distribué par K-Films Amérique, La run doit sortir en salle au printemps 2011. Or, à la suite de la parution de notre article, des techniciens en colère se sont manifestés.

«Le tournage, qui a débuté le 4 juillet dernier, a été interrompu après 15 jours par l'équipe désireuse de savoir ce qu'il advenait de leurs payes, nous écrit le même technicien cité plus haut. Le producteur Leonardo Fuica disait posséder des ententes de financement privé et comptait sur l'appui des crédits d'impôt pour payer son monde.»

La Presse a par ailleurs appris qu'en parallèle à cette histoire, la boîte de production Aviva Communications, associée au projet à ses débuts, s'est retirée en cours de route et a engagé une poursuite de 23 474,26 $ contre l'entreprise Productions La Run. «Nos réclamations vont dans le même ordre que celles des techniciens», indique Philippe Chabot, associé du comédien David La Haye dans Aviva.

L'Union des artistes est aussi engagée dans le dossier pour défendre ses membres qui n'auraient pas été payés.

Crédits d'impôt attendus

Joint par téléphone, le producteur et comédien Leonardo Fuica a voulu se faire rassurant. Il affirme qu'il attend des crédits d'impôt de la SODEC pour payer tous les participants. Il ajoute avoir eu bien du mal à manoeuvrer dans les méandres de la SODEC, de laquelle il attendrait environ 200 000 $. Une tierce personne l'aurait aidé à défaire les noeuds.

«Nous sommes toujours en attente de ces crédits d'impôt. Ça ne devrait pas tarder. Dès que nous les aurons, tout le monde sera payé, assure-t-il. Je ne vais pas sortir un film si les gens ne sont pas payés.» La SODEC ne nous a pas rappelés.

M. Fuica nous confirme que la majorité des personnes ayant travaillé sur le film attendent encore d'être payées. Y compris les principales têtes d'affiche. «Seuls les comédiens ayant de petits rôles ont été payés», dit-il. Mon frère et moi n'avons pas été payés non plus. J'ai même hypothéqué mes biens.»

Par ailleurs, il n'a pas voulu commenter la poursuite intentée contre sa firme de production devant les tribunaux.

L'Alliance québécoise des techniciens de l'image et du son (AQTIS) est au courant du dossier et déplore ce qui s'est passé. «Les techniciens ont passé une entente préliminaire de travail avec le producteur sans signer un contrat, indique Pierre-Yves Arsenault, directeur général adjoint de ce syndicat. Le producteur aurait dû nous envoyer le contrat, ce qui n'a pas été fait.»

L'AQTIS ne peut rien faire pour défendre ces gens. À la question de savoir si les techniciens auraient dû faire signer un contrat préalable, M. Arsenault répond que ce sont des pigistes et que pour certains, c'était peut-être la seule occasion de travailler dans l'année. Dans le contexte, on revendique peu.

Selon nos sources, certains techniciens tentent de porter l'affaire devant la cour et d'autres se sont adressés aux petites créances. «Ce processus juridique n'est pas avantageux pour tous, écrit-il. Certains membres attendent des payes bien au-dessus de 7000 $, limite de la cour des petites créances.»

Chez K-Films distribution, le président Louis Dussault s'est dit abasourdi d'apprendre toute cette histoire.

«Nous, on prend le film lorsqu'il est terminé, dit-il. Et nous croyons beaucoup en celui-ci. Ce sera un des films les plus surprenants de 2011. J'en appelle aux parties pour qu'elles s'entendent, sinon, il ne pourra pas être lancé.»

Ironiquement, La run raconte l'histoire d'un jeune homme (Jason Roy-Léveillée) qui prend l'initiative de rembourser les dettes de son père ruiné.