L'aventure de The King's Speech n'était pas sans risque. Il était facile de tomber dans le mélodrame, de faire d'Édouard VIII un personnage faisant preuve d'apitoiement sur lui-même, d'interpréter le monarque de façon caricaturale, de rendre l'amitié entre l'homme au sang bleu et l'homme du peuple peu crédible. Et, même, de blesser la famille royale - entre autres, Élisabeth II, fille très aimée de Bertie.

«Oui, j'ai pensé à la reine Élisabeth pendant que je me préparais au rôle et pendant le tournage, indique Colin Firth. Vous ne pouvez créer une histoire de compassion comme celle-là sans penser aux personnes directement concernées et toujours vivantes. Si vous regardez des photos de Bertie et de sa fille, vous pouvez voir tout l'amour qu'il avait pour elle. Lui qui avait eu des parents froids et distants, il la couvait des yeux. J'ai fait très attention à cela dans les scènes que je partage avec «mes filles», car c'est une composante essentielle du personnage.»

L'autre composante essentielle était, bien sûr, le bégaiement. «Il n'existe pas d'enregistrement du discours que Bertie a donné lors de l'Exposition, mais j'ai écouté en boucle celui qu'il a prononcé pour annoncer le déclenchement de la guerre contre l'Allemagne, dit le comédien. Pas pour l'imiter, mais parce qu'il y a là-dedans des choses qui m'ont permis de mieux le comprendre. La manière dont il rythme les mots, sa façon de commencer les phrases et d'embrasser les silences.»

Les silences. Les pauses. Essentiels pour le réalisme des scènes, des dialogues entre Bertie et Lionel. «La question n'est pas de jouer le bègue, explique Geoffrey Rush. C'est exactement comme quand vous devez jouer une scène où vous êtes ivre, vous ne devez pas jouer une personne ivre, ça aurait l'air stupide, vous devez jouer une personne ivre qui essaie d'avoir l'air sobre - parce que c'est ce qui se passe dans la réalité. Vous devez jouer quelque chose de plus actif que simplement un état. Et c'est en travaillant ainsi qu'on a découvert l'importance des pauses et des silences entre les mots. Là se trouve entre autres la frustration de Bertie quand il ne parvient pas à dire quelque chose.»

Cette découverte, ils l'ont faite lors des cinq semaines de répétitions qu'ils ont eu le luxe d'avoir avant de commencer le tournage. Un mois auparavant, ils avaient fait une autre découverte: «Nous avons appris que le petit-fils de Lionel Logue vivait près de Londres. Il avait en sa possession des journaux intimes de son grand-père, des dossiers. Nous avons eu accès à tout ça et avons pu en intégrer des parties dans le scénario», raconte Geoffrey Rush. Qui a pris une part active à l'écriture et à la structure du script.

»»»»Lisez l'entrevue avec Colin Firth, Tom Hooper et Geoffrey Rush, The King's Speech: le poids des mots

Pour cela, Tom Hooper et lui ont échangé des courriels pendant des mois et des mois, afin de trouver des solutions aux problèmes que chacun voyait. «Par exemple, dans les premières versions du scénario, Lionel et Bertie se rencontrent trop facilement», se souvient l'acteur. Ainsi en sont-ils arrivés à mettre, pour cette phase de l'histoire, l'accent sur la quête d'Elizabeth, femme du futur roi (interprétée par Helena Bonham Carter). Et de miser, pour la fameuse scène de rencontre entre Bertie et l'excentrique thérapeute, sur le fait que durant les années 20 et 30, le visage des gens «connus» ne se retrouvait pas, comme aujourd'hui, à la une des journaux et magazines, et n'était pas véhiculé par la télévision. «Le roi, le peuple le voyait à son balcon, levant la main pour saluer, c'est à peu près tout», raconte Geoffrey Rush. D'où l'étrangeté, dans The King's Speech, du premier «choc» entre les deux hommes.

D'un côté, le caractère rugueux et abrupt de Lionel. De l'autre, la classe de Bertie. Qui, malgré son handicap, demeure un membre de la famille royale: «Je ne voulais surtout pas qu'on sente d'apitoiement sur lui-même, souligne Colin Firth. C'était ma crainte la plus grande quand j'ai lu le scénario - pas à cause de la façon dont il était écrit, mais à cause de la manière dont le personnage pouvait être joué. Tom, Geoffrey et moi avons mis l'accent non sur la faille, mais sur le courage de cet homme qui a combattu ses démons.»

Pour traduire cela, The King's Speech nous mène d'un discours à un autre, en un cercle aussi beau que fort.