Présenté en compétition officielle lors du dernier Festival des films du monde, Nannerl, la soeur de Mozart propose une chronique des espoirs déçus de la (douée) frangine du talentueux compositeur. En entrevue à La Presse, le comédien Marc Barbé, qui incarne Léopold Mozart, déboulonne quelques mythes.

Quelles sont les épithètes qui collent à Mozart? Grand musicien, sans doute. Et ensuite? Bourgeoisie? Richesse? Soirée mondaine? Vie de jet set dans les cours d'Europe du XVIIIe siècle?

Détrompez-vous.

Mozart n'est pas nécessairement synonyme de vie rêvée, expose le comédien Marc Barbé qui interprète le rôle de Léopold dans Nannerl, la soeur de Mozart. À certains moments, cette vie se rapprocherait davantage de celle de bohême, dit ce dernier, rencontré en septembre dans le cadre du Festival des films du monde.

«Avec le statut de Salzbourgeois et de chef d'orchestre qu'avait Léopold Mozart (père de Wolfgang Amadeus), on imagine cette famille comme des bourgeois, soutient Barbé. Alors qu'en fait, le chef d'orchestre avait le même rang que le valet de chambre. C'était donc des roturiers, des gens qui dépendaient de la bonne volonté et du bon plaisir des nobles.»

Conscient du talent de ses deux enfants, Maria Anna, surnommée Nannerl, et Wolfgang Amadeus, Léopold Mozart a quitté son poste à Salzbourg et a bourlingué sur les routes d'Europe durant quelques années avec les membres de sa famille. Un geste plein d'audace aux yeux du comédien.

«Ils ont fait le tour des cours d'Europe comme des saltimbanques, raconte Barbé. Ces gens n'étaient pas payés. On leur donnait parfois de vieux vêtements pour les enfants, pas toujours de l'argent. Léopold a donc risqué toute sa vie pour son fils qui était, effectivement, un petit génie.»

>>>Lisez la critique de Marc Cassivi

Histoire et fiction

Il y a un fond historique très important dans le film. Celui-ci est basé sur de nombreuses lettres écrites par les membres de la famille Mozart que le réalisateur René Ferret a dépouillées. Mais il y a aussi toute une partie fictive, souligne Marc Barbé. Notamment la relation entre Nannerl et les membres de la famille royale française.

Ce pan de l'histoire a pour but de souligner le fait que les femmes avaient moins de chance que les hommes de s'épanouir dans cette société. Ce qui est au coeur de l'histoire du film. Musicienne et compositrice douée, Nannerl a vécu dans l'ombre de son frère cadet dès l'enfance. Contrairement à Wolfgang, son père ne lui enseignera ni la composition ni l'art de jouer du violon.

«Ce qui m'a intéressé, c'est qu'avec cette charge historique et musicale très lourde, René réalise un film intimiste sur la famille et sur les problèmes d'une jeune femme à une époque où les femmes n'avaient pas trop de marge d'expression.»

Cette condition d'être reléguée au second rang, Nannerl ne la contestera pas. D'autant plus qu'à l'époque, grandir signifie passer de l'enfance à la vie adulte sans traverser cette étape de l'adolescence qui est une période de remise en question.

«Nannerl n'a pas les moyens de se rebeller. C'est dans l'ordre des choses», dit Marc Barbé, qui voit dans cette histoire des correspondances avec celle de Camille Claudel.

Parcours atypique

Connu pour son rôle de Raymond Asso dans le film La môme, Marc Barbé a un parcours pour le moins atypique qui l'a conduit au cinéma. Se destinant à la philosophie, il est entré en classe de préparation à l'École normale supérieure, études qu'il a finalement abandonnées.

Il a par la suite choisi de faire un cours en... menuiserie, estimant que partout où il irait, il trouverait du travail. «Là-dessus, je ne me suis pas trompé», lance-t-il. Partout, c'est entre autres à La Nouvelle-Orléans, à Los Angeles et à New York où il a roulé sa bosse.

Il a par la suite tâté de la traduction. De retour en France, son beau-frère, le cinéaste Gérard Mordillat, lui offre un rôle aux côtés de Sami Frey dans le film En compagnie d'Antonin Artaud.

Le reste s'est enchaîné. Barbé n'a jamais regardé derrière lui. Sauf pour se rappeler que dès l'enfance, il était un consommateur vorace de cinéma et rêvait d'être réalisateur. «C'est vraiment un but secret que je n'ai pas poursuivi», croit-il.

Les temps changent, car il travaille actuellement à un projet de premier long métrage. «L'histoire est celle d'une jeune femme qui s'est perdue et s'est retrouvée. Elle est dans une sorte de désert social et sentimental», dit-il. Pour l'instant, on n'en saura pas plus!

Nannerl, la soeur de Mozart est actuellement à l'affiche au cinéma Beaubien.