Treize ans après la parution du roman et près de 10 ans après la mort de son auteur, Barney's Version voit enfin le jour au grand écran. Pour le producteur Robert Lantos, à qui l'on doit quelques-uns des fleurons du cinéma canadien (de Black Robe à Adoration en passant par Eastern Promises et bien d'autres), la sortie de cette adaptation cinématographique de l'ultime ouvrage de Mordecai Richler constitue la dernière étape d'un très long processus.

«Au départ, Mordecai a travaillé lui-même à l'écriture du scénario du film, a expliqué le producteur au cours d'un entretien accordé à La Presse au Festival de Toronto. Il est mort en 2001, mais dans mon esprit, il n'a jamais été question d'abandonner le projet. Au contraire. Je me suis même senti investi d'une responsabilité nouvelle. C'est un peu comme si j'étais devenu le gardien de son oeuvre. Il fallait ainsi trouver le moyen de rester fidèle à l'oeuvre originale, d'une part; mais je voulais aussi, à travers ce film, honorer la mémoire d'un très grand auteur. Pour moi, Barney's Version est bien plus qu'un simple long métrage.»

Pour rendre justice à cette ambition, un seul mot d'ordre: faire le meilleur film possible.

«Au cours de ma carrière de producteur, il m'est parfois arrivé de penser qu'on a fait du bon travail, mais qu'on aurait quand même pu faire mieux, indique celui qui a commencé sa carrière en produisant L'ange et la femme, l'un des films les plus singuliers de Gilles Carle. Dans le cas de Barney's Version, la perspective d'un peut faire mieux n'était même pas envisageable. Je ne dis pas que le film est parfait - ou qu'il fera l'unanimité -, mais nous avons mis tous les efforts en ce sens. Sur ce plan, je n'ai aucun doute. Et je suis convaincu que Mordecai serait satisfait.»

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Pendant toute la fabrication de Barney's Version, Robert Lantos a d'ailleurs senti l'ombre de l'auteur montréalais par-dessus son épaule. Un peu comme si ce dernier venait s'enquérir de la bonne marche des choses.

«Chaque fois qu'une nouvelle version du scénario était prête, j'entendais toujours la voix de Mordecai me souffler à l'oreille: Ce n'est pas encore assez bon! Ce n'est pas encore assez bon! Cette obsession a diminué au fil des ans, mais je l'entends encore me dire qu'il regarde mes moindres faits et gestes. Et que si je bousille son truc, il me le fera payer le jour où nous nous rencontrerons de nouveau! Ses personnages sont souvent motivés par la vengeance. Il possédait lui-même ce trait de caractère. Mais maintenant que le film existe, je respire mieux!»

Montréal dans les années 70

Même si une partie de l'intrigue a été déplacée de Paris à Rome («un changement avec lequel Mordecai était d'accord», précise Lantos), Barney's Version se déroule essentiellement à Montréal, dans les endroits qu'a fréquentés le chantre de la rue Saint-Urbain.

«À mes yeux, il était très important de récréer tous ces lieux, car je vois ce film comme une lettre d'amour à Montréal», explique celui qui a vécu de nombreuses années dans la métropole québécoise avant de s'installer à Toronto. «Cela dit, Montréal a beaucoup changé depuis les années 70, particulièrement le boulevard Saint-Laurent. Grâce aux talents réunis du directeur artistique Claude Paré et du directeur photo Guy Dufaux, nous avons réussi à évoquer tous ces endroits de façon très crédible. Il y a vraiment de très grands techniciens au Québec. Et de très grands artistes.»

Après avoir produit Joshua Then and Now et Barney's Version, Robert Lantos compte bientôt s'attaquer à sa troisième adaptation d'un roman écrit par Mordecai Richler. Visiblement heureuse de cette mouture de Barney's Version sur grand écran, la veuve de l'auteur, Florence, a en effet finalement consenti à céder au producteur les droits d'adaptation de Solomon Gursky Was Here, roman réputé très complexe, donc difficilement adaptable, publié en 1989. L'annonce en a été faite récemment.