Bien entendu, les Toy Story 3, Twilight, et autres Piché de ce monde ont su attirer les foules en 2010. L'année qui s'achève a toutefois été marquée par un phénomène plus imprévisible qui, aux États-Unis, en France et chez nous, s'est traduit par un engouement du public pour des films réputés plus «difficiles».

Le cas d'Inception est d'évidence plus singulier. Fort du succès planétaire de The Dark Knight il y a deux ans, l'auteur-cinéaste britannique Christopher Nolan a mis les énormes moyens mis à sa disposition pour concocter une superproduction spectaculaire, entièrement dévolue à sa vision d'auteur. Très attendu des cinéphiles, Inception n'a pas déçu. Et a aussi su séduire les spectateurs des complexes multisalles. Ces derniers se sont volontiers laissé emporter par la proposition inédite que leur a faite celui qui a su renouveler avec éclat la franchise Batman au cinéma.

Sur le flanc québécois, les productions destinées à atteindre le grand public n'ont généralement pas obtenu le succès escompté, à quelques exceptions près (Piché - Entre ciel et terre; Lance et compte). Aucune d'entre elles n'a pu approcher les scores historiques atteints l'an dernier par De père en flic. Au bout du compte, nous retiendrons surtout de 2010 le phénomène Incendies. Emblématique d'une année somme toute très riche, le film de Denis Villeneuve a obtenu un succès populaire inattendu, prenant du coup par surprise tout le milieu du cinéma. Cet engouement réjouit les cinéphiles, c'est entendu, mais il laisse quand même quelques questions en suspens. Notamment quant à l'apparente impossibilité pour deux films québécois d'obtenir du succès simultanément. Du Journal d'un coopérant (Robert Morin) jusqu'à Curling (Denis Côté), en passant par Les signes vitaux (Sophie Deraspe), Les amours imaginaires (Xavier Dolan), New Denmark (Rafaël Ouellet), The Trotsky (Jacob Tierney), Trois temps après la mort d'Anna (Catherine Martin), Tromper le silence (Julie Hivon), Route 132 (Louis Bélanger), À l'origine d'un cri (Robin Aubert) et quelques autres, le cinéma d'auteur québécois se porte pourtant très bien sur le plan créatif. Des bousculades à la prochaine soirée des Jutra sont même à prévoir.

Un phénomène similaire à celui d'Incendies au Québec est survenu en France. Des hommes et des dieux, un film spirituel réalisé par Xavier Beauvois, a attiré là-bas plus de trois millions de spectateurs, un score que personne n'aurait pu prévoir. Ce rayonnement inespéré tend bien à prouver à quel point on ne peut finalement définir de règles précises dans ce qu'on appelle «l'industrie» du cinéma. Et c'est bien tant mieux.

L'ANNÉE 2010 AU CINÉMA

LES CHAMPIONS DU BOX-OFFICE AU QUÉBEC

The Twilight Saga - Eclipse de David Slade (E1/Films Séville) 7 269 503$

Toy Story 3 de Lee Unkrich (Pixar/Disney) 6 720 903$

Alice in Wondeland de Tim Burton (Disney) 6 426 524$

Inception de Christopher Nolan (Warner Bros.) 5 705 067$

Harry Potter and the Deathly Fallows - Part 1, de David Yates (Warner Bros.)* 5 326 920$

*Toujours en exploitation. Chiffres arrêtés au 16 décembre.

LE VRAI CHAMPION

Avatar de James Cameron (Fox)

Sortie le 18 décembre 2009, la superproduction en 3D de James Cameron a engendré des recettes de 15 533 291 de dollars au Québec en 2010.

LES FILMS QUÉBÉCOIS LES PLUS POPULAIRES

Piché - Entre ciel et terre de Sylvain Archambault (TVA Films) 3 603 939$

Incendies de Denis Villeneuve (Films Christal/Films Séville) 2 575 324$*

Lance et compte de Frédérik D'Amours (Films Christal/Films Séville) 1 835 574$*

Filière 13 de Patrick Huard (Alliance Vivafilm) 1 806 254$

Les sept jours du Talion de Daniel Grou-Podz (Alliance Vivafilm) 1 060 806$

*Toujours en exploitation. Chiffres arrêtés au 16 décembre.

LES CHAMPIONS DU BOX-OFFICE EN AMÉRIQUE DU NORD

Toy Story 3 de Lee Unkrich (Pixar/Disney) 415 M$

Alice in Wonderland de Tim Burton (Disney) 334 M$

Iron Man 2 de Jon Favreau (Paramount) 312 M$

The Twilight Saga - Eclipse de David Slade (Summit Entertainment) 301 M$

Inception de Christopher Nolan (Warner Bros.) 292 M$

LES AMBASSADEURS DU QUÉBEC DANS LES GRANDS FESTIVALS

Denis Villeneuve avec Incendies

Mostra de Venise (Prix des jeunes cinéphiles - section Venice Days); Festival de Telluride - sélection officielle; Toronto International Film Festival (prix du meilleur long métrage canadien).

Denis Côté avec Curling

Festival de Locarno (Prix de la mise en scène; prix d'interprétation masculine à Emmanuel Bilodeau).

Xavier Dolan avec Les amours imaginaires

Festival de Cannes - Sélection officielle/Un certain regard (Prix Regards jeunes)

Daniel Grou-Podz avec Les 7 jours du talion

Festival de Sundance - Sélection officielle

Catherine Martin avec Trois temps après la mort d'Anna

Festival de Karlovy Vary - Sélection officielle

Patrick Demers avec Jaloux

Festival de Karlovy Vary - Sélection officielle

LES LAURÉATS DU 63e FESTIVAL DE CANNES

Palme d'or:

Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures d'Apichatpong Weerasethakul

Grand Prix:

Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois

Prix de la mise en scène:

Tournée de Mathieu Amalric

Prix d'interprétation féminine:

Juliette Binoche dans Copie Conforme d'Abbas Kiarostami

Prix d'interprétation masculine:

Javier Bardem dans Biutiful d'Alejandro Gonzalez Inarritu

LES PRIMÉS DES AUTRES FESTIVALS

Sundance:

Winter's Bone de Debra Granik (Grand Prix du jury - Film dramatique)

Animal Kingdom de David Michôd (Grand Prix du jury - Film étranger dramatique)

60e Berlinale:

Bal (Honey) de Semih Kaplanoglu (Ours d'or)

34e Festival des films du monde de Montréal:

Adem (Oxygène) de Hans van Nuffel (Grand Prix des Amériques)

67e Mostra de Venise:

Somewhere de Sofia Coppola (Lion d'or)

35e Toronto International Film Festival:

Incendies de Denis Villeneuve (Prix du meilleur film canadien)

39e Festival du nouveau cinéma de Montréal:

Année Bissextile de Michael Rowe (Louve d'or)

LE FILM LE PLUS ENCENSÉ

The Social Network de David Fincher

Meilleur film 2010 selon le National Board of Review et les associations de critiques de Los Angeles, New York, Chicago, Boston, San Francisco, Toronto, Détroit, Dallas, Las Vegas, Houston et Washington...

L'OSCAR LE PLUS SURPRENANT

Dans ses yeux de Juan José Campanella

Tous les observateurs attendaient Le ruban blanc ou Un prophète. C'est finalement le film argentin El secreto de sus ojos qui a coiffé au poteau des concurrents en apparence imbattables. Le choix des académiciens s'est révélé d'autant plus surprenant que les deux autres films sélectionnés dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, Ajami et La teta asustada, étaient aussi de très solides candidats.

LE BEAU RETOUR

Danielle Ouimet dans Les signes vitaux

La présence de Danielle Ouimet dans le très beau film de Sophie Deraspe a beaucoup ému les cinéphiles. 40 ans après avoir enflammé le pays en montrant son corps dénudé dans Valérie, celle qui a repris son statut d'actrice s'est abandonnée dans un film où prime le langage corporel d'individus face à la mort. Poignant.

LA PLUS VIVE DISCUSSION

En dénonçant l'absence de représentativité des immigrants et des anglophones dans le cinéma québécois, le jeune cinéaste québécois Jacob Tierney (The Trotsky) ne s'attendait pourtant pas à se retrouver au coeur d'une polémique. «Le reflet de la réalité moderne et plurielle qu'on retrouve dans une ville comme Montréal est rarement évoqué, soutient-il. Il ne s'agit pas de réclamer une interdiction sur tous les films qui se déroulent dans le passé - il est important que l'histoire soit représentée - mais de dire qu'il faudrait peut-être aussi, à côté, penser à créer des oeuvres qui reflètent la réalité d'aujourd'hui dans toutes ses diversités, ethnique, religieuse, sexuelle.»

LA HONTE DE L'ANNÉE

Le gouvernement iranien pour avoir condamné le cinéaste Jafar Panahi (Le ballon blanc, Offside) à une peine de six ans de prison, assortie d'une interdiction de tourner, de voyager et d'accorder toute interview pendant 20 ans. Panahi, président du jury du FFM de Montréal en 2009, est emprisonné pour avoir exprimé publiquement son opposition au régime de Mahmoud Ahmadinejad.