Du film policier Witness à la comédie Green Card, en passant par le drame Dead Poets Society et au satirique The Truman Show, le cinéaste Peter Weir navigue d'un genre à l'autre. Il signe maintenant The Way Back (Les chemins de la liberté), drame inspiré de l'odyssée d'une poignée de prisonniers échappés du goulag au début des années 40, qui prend l'affiche dans une semaine.

Il a déjà été dit que Peter Weir aime décortiquer le comportement d'êtres humains plongés dans des situations inusitées ou non conformistes, et les raisons qui les motivent. Éloquente à ce sujet, sa filmographie peut maintenant compter The Way Back.

L'histoire s'amorce avec l'arrivée d'un groupe de prisonniers politiques dans un camp de travail soviétique. Le directeur «accueille» les nouveaux venus en leur lançant cet avertissement: la Sibérie est votre prison. Au-delà des barrières, des fils barbelés et des gardes armés, il y a une région inhospitalière. Sa neige, son froid, ses loups et ses forêts interminables sont autant de pièges mortels.

Ce qui n'empêche pas une poignée d'hommes de s'échapper du camp et d'entreprendre une interminable marche de 10 000 kilomètres vers l'Inde. Personnages poussés aux limites de leurs capacités, situations désespérées, petites victoires et grandes déceptions. Voilà encore des êtres humains poussés à leurs limites. S'il y a un mot pour résumer The Way Back, ce serait «survivre», suggère-t-on au cinéaste, qui opine.

«Il n'est pas seulement question de survivance physique, mais aussi mentale, nous a dit Peter Weir, mercredi, dans la suite d'un hôtel de Toronto. J'ai voulu faire ce parallèle entre les paysages grandioses du film et le côté intérieur des individus. Particulièrement chez le personnage principal de Janusz (Jim Sturgess). Face à tous les écueils se dressant devant lui, il aurait été si simple de s'étendre sur la neige et se laisser mourir. Mais ce qu'il vit intérieurement le transporte. J'ai trouvé fascinant le fait d'explorer cette capacité de lutter pour vivre.»

Weir a ici librement adapté l'histoire de Slawomir Rawicz, un Polonais qui a écrit le livre The Long Walk racontant sa fuite du goulag et sa marche jusqu'en Inde. Grand succès littéraire à l'époque de sa sortie, l'histoire de Rawicz a été contestée par les autorités soviétiques qui affirmaient l'avoir elles-mêmes libéré. Un autre prisonnier polonais, Witold Glinski, a aussi affirmé que cette histoire était la sienne.

Le réalisateur n'a donc pas voulu s'avancer dans les eaux glauques de la paternité de l'histoire et en a laissé tomber plusieurs éléments, dont une obscure rencontre avec des... yétis. «Je n'ai pas transposé le livre de Rawicz, dit-il. Je m'en suis inspiré pour en faire une fiction.» Mais il en a conservé l'essence qui, visiblement, l'a fasciné.

«J'ai été captivé, dit Peter Weir. Comme je fais d'ordinaire, j'ai laissé l'histoire de côté pour une semaine ou deux après l'avoir lue. Mais elle revenait me hanter, consciemment ou non. J'étais dans la voiture, au supermarché et soudain, j'avais ces images qui me venaient. À d'autres moments, je me disais: À quoi je pense là? Oh, oui! Ça vient de ce livre...»

Un film... international

Lorsque Janusz arrive au camp, un des prisonniers lui indique que «C'est la Ligue des nations, ici.» Les prisonniers viennent d'un peu partout en Europe et même d'Amérique avec la présence du mystérieux Mister Smith (Ed Harris).

Et c'est aussi le cas du film. Aux côtés de l'Américain Harris, on retrouve les Britanniques Jim Sturgess et Mark Strong, l'Irlandais Colin Farrell, l'Américano-Irlandaise Saoirse Ronan, deux Roumains, un Suédois, un Allemand, alouette. «Oui, c'est aussi la Ligue des Nations dans l'équipe, s'esclaffe le réalisateur (australien). C'était la même diversité avec l'équipe technique. Nous avions des gens de 13 nationalités. Parfois, sur le plateau, je donnais mes instructions en anglais. Elles étaient traduites en bulgare, en russe et en vietnamien pour un des acteurs jouant un Tibétain.»

Goulag

Dans le livre comme dans le film, l'odyssée des évadés du goulag les a conduits de la Sibérie aux rives du lac Baïkal aux steppes de Mongolie, puis au désert de Gobi et au Tibet avant de se terminer en Inde. Pour des raisons économiques et d'infrastructures, l'équipe a tourné les scènes de Sibérie en Bulgarie et celles du désert au Sahara. Ce qui n'a nullement épargné aux acteurs d'être soumis à des journées physiquement très intenses, s'esclaffe le réalisateur.

«Je ne crois pas qu'aucun des acteurs du film n'avait fait quelque chose de semblable auparavant, assure-t-il. À un certain degré, nous avons vécu ce que les vrais personnages ont vécu. Ils étaient physiquement affectés par ce que je leur demandais. Ils vivaient littéralement leurs personnages.»

Aurait-il survécu? «Je me suis posé la question plusieurs fois, répond l'interviewé. Et je ne connais pas la réponse. Peut-être n'aurais-je pas tenté de fuir. Chose certaine, j'aime ce personnage qui passe tout le temps à faire des plans pour fuir. Parfois, je me dis que j'aimerais être comme lui. Bien sûr, j'aimerais croire que j'aurais eu cette audace. Mais si je m'étais échappé, peut-être n'aurais-je pas survécu.»

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Les frais de ce voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.