Pour un enfant, perdre son père ou sa mère représente un choc terrible. C’est la thématique qu’a décidé d’aborder Michel Monty dans son tout premier long métrage, Une vie qui commence, qui a remporté un prix au festival de Namur en 2010. Mais la gravité n’empêche pas l’humanité et l’humour de poindre dans ce film d’époque, souligne l’homme de théâtre.

Le sujet est très présent sur nos écrans. On nous montre souvent toutefois les émotions «adultes» vécues à la suite de la mort d’un enfant ou d’un amoureux. L’originalité d’Une vie qui commence est de présenter ce même sentiment de perte, mais du point de vue de l’enfant. Un exercice périlleux qui peut être extrêmement déstabilisant pour le spectateur.

Lancé à la fin de l’automne dernier dans le circuit des festivals, le film de Michel Monty - qui a mis plus de six ans avant de voir le jour - a déjà remporté le Bayard d’or pour la meilleure première œuvre au Festival international du film francophone de Namur. Également présenté lors de la Semaine du cinéma québécois à Paris en novembre, il sera projeté à la fin du mois au Festival du film de Santa Barbara, en Californie.

L’histoire se résume en quelques lignes. Le Dr Jacques Langevin et sa femme Louise (François Papineau et Julie Le Breton) semblent filer le parfait bonheur, entourés qu’ils sont de leurs trois jeunes enfants. Mais l’image de ce bon père de famille, aimé des siens, cède rapidement le pas aux angoisses d’un homme dénigré par son père, qui n’ose pas se confier à sa femme et qui finit par sombrer dans la dépression et la consommation de narcotiques.

Ce scénario, le comédien et metteur en scène Michel Monty l’avait en tête depuis longtemps, puisqu’il est inspiré de faits vécus entourant la mort de son propre père. Lui aussi médecin; lui aussi pratiquant l’hypnose à ses heures; lui aussi mort prématurément, alors que Michel Monty n’avait que 3 ans; et lui aussi enterré sans pierre tombale, comme le personnage du Dr Langevin.

«Le tournage de ce film m’a beaucoup remué, admet Michel Monty. Il y a des scènes qui m’ont beaucoup touché. Lorsque je les ai écrites et lorsque je les ai tournées. Mais je suis assez pudique, et même si je suis parti d’une histoire personnelle, j’ai aussi voulu scénariser une fiction capable de rejoindre le grand public.»

À 46 ans, Michel Monty, qui a fait sa marque au théâtre, tant comme acteur que comme metteur en scène (Au champ de Mars, La société des loisirs, Gagarin Way, etc.) est également l’instigateur des Cabarets insupportables avec Brigitte Poupart et concepteur du Pensionnat, pièce interprétée par de jeunes autochtones de 10 à 15 ans qui dénonçaient leurs conditions de vie dans ces lieux d’assimilation mis sur pied par le gouvernement fédéral.

Passage naturel

Son passage au cinéma s’est fait naturellement, grâce à la présence d’une équipe aguerrie, comme le directeur photo Michel La Veaux et le monteur Dominique Fortin. «J’ai été bien entouré, explique-t-il. Par des gens très généreux, qui croyaient en ce projet, à commencer par le producteur Pierre Even.»

Entouré par des acteurs de théâtre, Michel Monty n’était pas en terrain totalement inconnu. François Papineau, Julie Le Breton (qui ont tout de même beaucoup de films à leur actif), Raymond Cloutier et Rita Lafontaine (qui jouent les parents du Dr Langevin), Benoît Dagenais (qui a un petit rôle de jardinier) font tous partie de la petite famille théâtrale.

«C’est vrai, acquiesce le nouveau réalisateur. Mais je trouve que le jeu au cinéma est une discipline à part. Et il a quand même fallu s’ajuster. Il y a une foule de petits détails auxquels il a fallu penser. Par exemple, il y a une scène où Julie Le Breton accompagne son garçon dans un collège privé. Elle enlève ses gants. Et elle tient le bulletin de son enfant dans les mains en l’agitant légèrement. Ce petit geste nous dit: je vais le faire entrer dans cette école-là! Le spectateur ne s’en aperçoit pas, mais ça donne une réalité à la scène.»

Michel Monty a également dirigé les comédiens de manière à ce qu’ils soient toujours en mouvement. «Dans la vie, on bouge tout le temps, nous ne sommes pas fixes. Quand les personnages se parlent, le point de mire change. Je disais aux comédiens de ne jamais regarder plus de quatre ou cinq secondes au même endroit, parce que c’est comme s’il n’y avait plus de mouvement intérieur chez le personnage.»

Un premier rôle d’enfant

Dès le moment où son père meurt, l’aîné des trois enfants, Étienne, 13 ans, devient le centre focal de ce drame familial. «Il y a vraiment un transfert de protagoniste qui se fait entre le père et le fils», nous dit Michel Monty. C’est donc dans la tête du garçon que l’on se trouve.

Et avec ses yeux que l’on vit le deuil de son père. Dans sa folie aussi de reproduire ses moindres gestes. Ce rôle important a été confié à Charles-Antoine Perreault, garçon de 13 ans, comme son personnage, qui vit à Saint-Jean-sur-Richelieu. Bien qu’il ait figuré dans les films C’est pas moi, je le jure (Philippe Falardeau) et 1981 (Ricardo Trogi), Une vie qui commence est son premier rôle d’importance au cinéma. Un rêve pour cet amoureux de films d’action.

«Depuis que je suis tout petit que je regarde beaucoup de films et que je mémorise les répliques des personnages, nous a confié le jeune rouquin. Je me souviens de la sortie du Pirate des Caraïbes, que j’ai vu et revu. Je pouvais dire les répliques de tous les personnages.»

Michel Monty ne tarit pas d’éloges pour ce jeune acteur, qui porte littéralement le film pendant toute la deuxième partie du scénario. «C’est vraiment un instinctif, dit-il. Charles-Antoine a un côté à la fois très lumineux, très sociable, très sain, et un petit côté sombre, qui était nécessaire pour représenter son personnage.»

Mais au final, le nouveau cinéaste ne croit pas que son film soit lourd. «Il y a peut-être un déroulement lent, mais malgré la gravité du sujet, ça reste très vivant. Il y a aussi des petites touches d’humour. Et puis je voulais conclure le film sur une note lumineuse. Même si on ne sait pas ce qu’il adviendra du garçon.»

Alors, l’homme de théâtre a-t-il d’autres projets pour le grand écran? «Absolument, répond Michel Monty. Je vais écrire un scénario (qu’il ne réalisera pas) sur la légende d’Alexis le trotteur, “l’homme qui courait plus vite qu’un cheval”. Et puis j’aimerais faire une adaptation cinématographique de ma pièce Le pensionnat, avec de jeunes autochtones. Mais c’est un projet à plus long terme.»

Une vie qui commence prend l’affiche vendredi.