Ils sont quatre amis. Ils vont parler et se taire, rire et crier, s’aimer et se trahir. Quatre personnages qui ont fait leurs preuves sur scène et font le saut au grand écran. Leur maître de piste : Philip Seymour Hoffman, qui, avec Jack Goes Boating, fait ses débuts de réalisateur. Le film n’a pas pris l’affiche au Québec, mais il nous arrive en DVD mardi.

Après avoir mis en scène de nombreuses pièces de théâtre produites par la LAByrinth Theater Company de New York, troupe à laquelle il s’est joint en 1995 et dont John Ortiz est aussi membre, il était dans le cours normal des choses que Philip Seymour Hoffman en arrive un jour à réaliser un long métrage. C’est ce qu’il fait avec Jack Goes Boating, adaptation d’une pièce de Bob Glaudini, dans laquelle il incarne le Jack du titre.

Rôle qu’il reprend donc à l’écran, retrouvant ainsi ses complices de scène John Ortiz et Daphne Rubin-Vega (Clyde et Lucy). Nouvelle venue au sein de ce quatuor, Amy Ryan se glisse dans la peau de Connie. Tous les quatre sont new-yorkais. Mais pas de ceux qu’on voit dans Sex and the City et autres Wall Street. Ils sont quatre de ces millions de New-Yorkais très ordinaires.

Jack est un chauffeur de limousine en quête de l’âme sœur. Une quête qu’il mène avec une maladresse touchante et une timidité attendrissante. Bref, tout ce qu’il faut pour échouer.

Clyde est le collègue de travail de Jack. Il est aussi son meilleur ami. Et il est marié à Lucy. Depuis longtemps. Ils vont tout faire pour aider Jack à trouver l’amour. Mais, ce faisant, ils se poseront des questions sur leur propre relation. Force cris et peut-être châtiments.

Enfin, Connie. Elle est célibataire. Elle vient de commencer à travailler pour une entreprise qui donne des séminaires sur le deuil à des directeurs de salons funéraires dans tout le pays. Entre Jack et elle, il y a... disons, une possibilité.

Amy Ryan incarne donc l’inconnue qui vient modifier la dynamique du trio formé par Jack, Lucy et Clyde. « J’ai assisté à une lecture qu’elle a faite de la pièce, un an et demi avant le début du tournage, et, quand nous avons cherché notre Connie, il n’y avait aucun doute pour moi : c’était elle », indique Philip Seymour Hoffman, rencontré au Festival international du film de Toronto.

Ça tombait bien, Amy Ryan pouvait. Voulait. « Parfois, vous acceptez un rôle simplement parce qu’on vous le demande, la raison principale étant le "on" qui vous le demande », ajoute Amy Ryan. Qui ne se voyait pas dire autre chose que « oui » à Philip Hoffman Seymour. « D’autant plus que, dans ce scénario, il n’y a pas un personnage formidable, mais quatre personnages extraordinaires », poursuit celle qui admet qu’au départ, elle ne comprenait pas vraiment cette Connie d’un genre particulier. « C’est ce qui me plaisait, cette différence, cette incongruité. J’en ai beaucoup parlé avec Bob (Glaudini). »

Film à texte

On s’en doute, venant du théâtre, Jack Goes Boating s’appuie beaucoup sur ses personnages, énormément sur son texte. « Mais pour moi, son passage de la scène à l’écran s’est fait de façon naturelle et organique », assure Philip Seymour Hoffman. Le réalisateur est agacé par cette question de l’adaptation, car il est fort conscient des préjugés dont fait l’objet le théâtre quand il se frotte au septième art.

« Les films sont tirés de livres, d’articles de journaux, d’autres films, de spectacles musicaux, d’idées originales parfois, mais aussi de pièces de théâtre, continue-t-il. Les arts s’influencent les uns les autres et, pour Jack Goes Boating, nous avons travaillé comme à un film, pas comme à une pièce de théâtre que l’on transforme en film. Vous savez, A Streetcar Named Desire est au départ une pièce de théâtre et on ne peut pas dire que c’est un mauvais film. »

Quant à ses débuts de réalisateur, il indique simplement que là aussi, tout s’est fait de manière naturelle. Il en était rendu là. Avait ce désir. Un désir normal pour tout acteur ? « Pas pour moi », dit en riant Amy Ryan, qui a aussi travaillé sous la direction d’un acteur-réalisateur dans Gone Baby Gone de Ben Affleck.

« Je n’ai pas ce besoin de contrôle. Et puis, si j’ai la vision de mon personnage, je ne possède pas la vue d’ensemble nécessaire pour réaliser, explique-t-elle. Vous savez, les gens comme Ben (Affleck) sont de grands réalisateurs parce qu’ils sont plus intelligents que la moyenne des acteurs. » Elle dit cela sans fausse humilité, avec une grâce, une simplicité et une sincérité que peuvent se permettre les grandes actrices. Elle en est.