L'ancienne Miss Météo fantasque, Louise Bourgoin ne savait pas du tout à quoi s'attendre quand Luc Besson lui a donné rendez-vous. Sur-le-champ, l'actrice s'est fait offrir le rôle d'Adèle Blanc-Sec, héroïne aventurière de l'adaptation cinématographique de la bande dessinée de Jacques Tardi.

Quand il a pensé à elle, Luc Besson ne l'avait pourtant vue que dans un film, le seul qu'elle avait tourné jusque-là. Dans La fille de Monaco, d'Anne Fontaine, Louise Bourgoin émoustillait Fabrice Luchini mais elle était aussi en mesure de lui donner le change sur le plan dramatique. La jeune actrice, formée aux Beaux-Arts, s'était auparavant fait remarquer grâce à ses présentations déjantées du bulletin météo du Grand journal de Canal Plus. Une Miss Météo pas comme les autres, dont les excentricités ont ouvert la voie à la Québécoise Charlotte Le Bon. Qui tient aujourd'hui le même rôle dans la même émission (voir encadré).

«Quand on m'a fait savoir que Luc souhaitait me rencontrer, je me suis présentée au rendez-vous sans savoir quel en était le but, a expliqué Louise Bourgoin au cours d'une entrevue accordée récemment à La Presse. J'étais convaincue qu'il avait pensé à moi pour un personnage dans l'une de ses productions, mais jamais je ne m'attendais à ce qu'il m'offre le rôle principal d'un film qu'il allait réaliser lui-même. N'avait-il pas déjà annoncé sa retraite de la mise en scène?»

C'est vrai, le nabab du cinéma français a souvent laissé entendre qu'il préférait désormais se consacrer à l'écriture et à la production au sein d'EuropaCorp, société qu'il dirige. Mais il ne pouvait laisser passer l'occasion de concrétiser enfin un projet qui remonte à plusieurs années. Devant la persistance du cinéaste, l'auteur Jacques Tardi avait finalement consenti à céder à ce dernier les droits d'adaptation cinématographique de sa bande dessinée.

«Quand Luc m'a dit qu'il s'agissait d'Adèle Blanc-Sec, j'étais dans tous mes états! rappelle l'actrice. J'ai lu cette B.D. à l'âge de 18 ans. Je l'aimais beaucoup. Luc m'a donné son scénario à lire. Le lendemain, il me demande simplement: «Tu aimes? Alors c'est à toi!» Pas d'essai, rien. Il m'a dit que mon casting, il l'avait fait tous les soirs en me regardant sur Canal! Seule difficulté: il fallait garder le secret pendant six mois. Pendant tout ce temps, j'ai eu peur qu'il change d'idée!»

Fidèle à l'esprit de la bédé

Louise Bourgoin s'est ainsi glissée dans la peau d'une journaliste intrépide, une sorte d'Indiana Jones en jupon et corset qui, en cette année 1912, met ses connaissances ethnologiques à contribution afin de mener à bien une mission aux résonances intimes. Dans une France encore insouciante par rapport aux deux guerres à venir, Adèle Blanc-Sec sera aussi engagée dans une affaire aussi extraordinaire qu'étrange: un ptérodactyle, mystérieusement né au Jardin des Plantes après 136 millions d'années d'incubation, vole au-dessus de Paris et sème la panique.

«À la lecture du scénario, on s'aperçoit tout de suite que Luc est resté très fidèle à l'esprit de la bande dessinée, tout en proposant une histoire originale, fait remarquer celle qui prête ses traits à l'héroïne. En même temps, le personnage de cinéma est plus fragile, moins monolithique. Il le fallait car chez Tardi, Adèle est très dure et n'aime personne. En même temps, cette humanisation comportait un aspect plus délicat sur le plan du jeu. Il fallait à la fois évoquer le sale caractère d'une femme qui ne s'excuse pas d'être ce qu'elle est, et la doter aussi d'une vraie sensibilité. Nous devions aussi faire attention pour ne pas sombrer dans la caricature.»

Le film étant affublé de nombreux effets spéciaux, Louise Bourgoin a dû souvent donner la réplique à des acteurs vêtus de collants, sur lesquels on avait apposé des capteurs permettant de détecter les mouvements. «Ils avaient tous l'air de grands spermatozoïdes!» observe l'actrice en riant avant d'évoquer une dynamique qui lui rappelait ses années d'études aux Beaux-Arts. «On nous demandait souvent d'imaginer les choses pour ensuite les dessiner. Il fallait procéder un peu de la même façon sur ce tournage. Dessiner mentalement un ptérodactyle qui n'existera qu'à une étape subséquente de la postproduction.»

Une belle proximité

Louise Bourgoin ne fut pas autorisée à voir la moindre image pendant le tournage, même si le réalisateur du Grand bleu était lui-même derrière la caméra, une pratique empruntée de moins en moins couramment par les cinéastes.

«Dans le travail, il est beaucoup plus simple que le réalisateur soit à proximité des acteurs. En tout cas, j'ai beaucoup apprécié cette approche. Ne pas voir les images m'empêchait d'avoir recours à des tics. Je me suis souvent demandé comment j'étais filmée par Luc. J'ai eu la réponse en voyant le film: de très près!»

La fin plus ou moins ouverte de ces Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec pourrait laisser croire que la mise en chantier d'un deuxième volet serait envisageable. Rien n'indique une volonté en ce sens pour l'instant.

«Personnellement, j'adorerais! souligne l'actrice. Ce serait comme un rêve. D'autant plus qu'un acteur a rarement la chance de pouvoir approfondir un personnage au cinéma. Du moins en France. Mais rien ne me laisse croire qu'un tel projet puisse se concrétiser dans un proche avenir.»

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Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec prend l'affiche le 4 février.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.