La fille du cinéaste iranien Jafar Panahi condamné à six ans de prison est «à l’abri en France» à la demande de ses parents, a annoncé mardi soir le directeur de la Cinémathèque française Serge Toubiana, au cours d’une soirée de soutien à M. Panahi.

«Sa fille de 21 ans est désormais parmi nous, son père lui a demandé de partir afin qu’elle ne puisse pas servir d’otage», a déclaré M. Toubiana, dont l’établissement diffuse tout le mois de février les films de Jafar Panahi, précisant que «les recettes de ces séances seront versées à la famille».

Jafar Panahi, figure emblématique de la Nouvelle Vague iranienne, actuellement en liberté sous caution, qui a fait appel de sa condamnation à l’emprisonnement et à une interdiction de travailler pendant 20 ans, attend la réponse de la justice iranienne.

Celle-ci pourrait intervenir «dans le courant du mois de février», selon le philosophe Bernard-Henri Lévy, l’un des plus fervents soutiens mobilisés en faveur du cinéaste.

Sa revue, La Règle du jeu, ainsi que la revue Transfuge ont co-organisé la soirée de soutien mardi en présence de nombreuses personnalités du cinéma - d’Agnès Varda à Michel Piccoli, Amos Gitai ou Jane Birkin - pour «ne surtout pas relâcher la pression à l’approche de cette échéance», a-t-il expliqué à l’AFP en marge de la soirée au cinéma La Pagode, à Paris, où était diffusé l’un des films de M. Panahi, Hors Jeu.

«Aucun régime totalitaire n’est totalement autiste, ni totalement monolithique», a fait valoir M. Lévy en rappelant les distances prises récemment par un proche conseiller de la présidence avec cette double condamnation. «Une telle déclaration atteste de divisions au sein du régime».

Mais surtout, a-t-il insisté, «quand on se trouve dans une telle situation de désespérance et d’absolue solitude, ces éclats de voix donnent du courage: Jafar Panahi nous l’a dit».

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui avait déjà lu une lettre de Jafar Panahi lors du Festival de Cannes - auquel le cinéaste invité comme juré, n’avait pu se rendre - a assuré que «la parole, par des canaux mystérieux, parvient toujours à ceux qui sont gênés de l’entendre comme à ceux qui ont besoin de l’entendre».

«Se battre pour lui, c’est se battre pour tous les autres», a insisté M. Mitterrand qui a refusé de préciser si la diplomatie française était intervenue en sa faveur.

Pour la compatriote de M. Panahi, la réalisatrice et dessinatrice iranienne Marjane Satrapi, une telle mobilisation «pourrait paraître vaine, mais ça change quelque chose», a-t-elle assuré, en appelant «à rester derrière lui jusqu’à ce qu’il obtienne l’autorisation de tourner de nouveau».

Caméra D’Or à Cannes, Ours d’Argent à Berlin et Lion d’Or à Venise, Jafar Panahi, 50 ans, a été honoré par tous les grands festivals de cinéma du monde.

Mardi soir, le festival de Berlin, qui l’a invité comme membre du jury du 10 au 20 février, a fait savoir qu’il espérait toujours sa venue.

Selon Serge Toubiana, la Berlinale entend également faire du 11 février une «journée spéciale Jafar Panahi» dans ses différentes sections.