Le 24 juillet dernier, des dizaines de milliers d'internautes ont sorti leur caméra pour capter une journée dans la vie de l'humanité: à l'arrivée Life in a Day, un film des petits riens sélectionné à la Berlinale.

Une tignasse émerge de l'oreiller, des pieds nus glissent sur le carrelage, les robinets coulent, puis les oeufs, partout, passent un mauvais quart d'heure: il est 5 h quelque part dans le monde, pas en même temps mais partout, dans toutes les vies sur tous les continents, on s'éveille, prend sa douche, part au travail...

En lançant leur appel, les promoteurs du projet «espéraient seulement avoir suffisamment de matériel pour faire un vrai film», explique Kevin MacDonald, réalisateur de Life in a Day: «On tablait sur 12 000 à 15 000 contributions, on en a reçu 81 000, 4500 heures de rush».

Réalisateur de nombreux documentaires et de Last King of Scotland, une fiction au temps du dictateur ougandais Idi Amin Dada, MacDonald a recruté «une petite armée de visionneurs», la plupart étudiants en cinéma, pour éplucher les images, les trier, les classer.

Son initiative, soutenue par les frères Ridley et Tony Scott, cinéastes renommés et producteurs, et par le site d'hébergement vidéo YouTube, reposait sur un cahier des charges minimaliste: filmer entre 0 h et minuit le 24 juillet 2010 - un samedi - et répondre à trois questions: Qu'avez-vous dans vos poches? Qu'aimez-vous? Que craignez-vous?

Les réponses aux trois questions, bouleversantes ou hilarantes, ont fusé dans toutes les langues, de 192 pays, de l'Australie à la Zambie.

«La plupart des images étaient très généreuses, universelles, souvent très touchantes, comme celles du réveil de ce père veuf au Japon avec son fils. On a eu très peu de gens en colère, très peu de cri», racontait Kevin MacDonald lors de la présentation du film en section Panorama de la Berlinale.

«Ce qu'on n'avait pas anticipé, c'est la pleine lune qui a beaucoup inspiré les internautes: nous avons reçu tellement d'images que nous en avons fait un thème», poursuit-il.

Il n'avait pas prévu non plus la bousculade de la Love Parade à Duisbourg, qui fit 21 morts et 500 blessés, seul événement notable dans «l'actualité» de ce jour-là.

Le reste se compose d'instantanés arrachés à l'intimité des êtres et des familles: dans une maternité, un homme filme la naissance de son bébé... la caméra se fige puis bascule dans un grand fracas: le néo-père s'est trouvé mal. À New York, un jeune Américain annonce son homosexualité au téléphone à sa grand-mère.

Une fillette, quelque part en Occident, évoque sa terreur des fantômes, un vieil Afghan explique avec retenue que sa peur, en partant le matin, est de ne pas rentrer chez lui le soir. Et un homme dont l'épouse, alitée, semble gravement malade. Ce qu'il craignait par dessus tout est arrivé, sa femme est atteinte d'un cancer. Aujourd'hui, il n'a donc plus peur: «I am fearless».

Sur l'écran tout à coup, la vie est belle.

Pour MacDonald, un tel projet est le meilleur d'internet: «L'idée que vous pouvez demander à des milliers, des dizaines et même des centaines de milliers de gens de contribuer tous ensemble à n même projet. Life in a Day n'aurait pas pu exister il y cent ans, ou vingt ou même six».