Dans un site ultramoderne de la bibliothèque du Congrès, à quelque 115 km de Washington, des techniciens restaurent avec précaution des films muets américains restitués récemment par la Russie.

Les 10 films, que l’on croyait perdus depuis longtemps, ont rejoint l’immense collection de quelque 700 000 bobines conservées en Virginie au National Audio-Visual Conservation Center (NAVCC) dans un bunker à la température réglée en permanence au dessus de zéro.

Parmi ces joyaux restitués par les Russes fin 2010, figure L’Arabe, un film de 1924 de Rex Ingram, cinéaste qui avait fait de Rudolf Valentino une star dans Les quatre cavaliers de l’Apocalyse en 1921. Les autres films sont des westerns, des comédies ou des drames réalisés par des grands noms de l’époque, mais dont les titres sont aujourd’hui oubliés.

Les précieux films tournés dans les années 1920 sont venus enrichir la précieuse collection de films de cinéma, émissions de télévision ou enregistrements radio conservés sur ce site initialement conçu pour abriter une réserve de billets de banque en cas d’attaque nucléaire soviétique.

Dans les années 1920, les pellicules utilisées pour les films contenaient du nitrate, un composant potentiellement dangereux et inflammable lorsqu’il est exposé à la chaleur. Nombre de films de l’ère du muet ont ainsi péri ou bien n’ont été conservés que partiellement.

«Les studios américains tournaient des films à tour de bras et les vendaient dans le monde entier», dit à l’AFP Patrick Loughney, directeur du NAVCC, expliquant ainsi pourquoi certains films ont été conservés dans des archives à l’étranger et non aux États-Unis.

«L’idée c’était que si vous aimiez un film de Fred Astaire, vous n’aviez qu’à attendre six mois et un autre sortirait. Les pays étrangers auxquels nous les vendions surveillaient cela de plus près que nous», ajoute-t-il.

Ces films ont inondé le marché russe dès le début des années 1910 et ont continué de se vendre après la révolution russe et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, raconte M. Loughney.

«Selon nos archives, plus de 1300 films ont été distribués en Russie au cours de cette période», précise-t-il.

Les Russes prenaient «grand soin» des vieux films, et ont restitué aux États-Unis des copies numériques de qualité des 10 films muets qui pourraient être transformés en format 35 millimètres.

Mais avant cela, le NAVCC veut restaurer les intertitres américains, c’est-à-dire le texte filmé qui accompagne l’image.

Actuellement, dans la copie de L’Arabe rendue par la Russie, Ramon Navarro, qui incarne un jeune bédouin amoureux de la fille d’un missionnaire chrétien, «parle» en cyrillique sur les intertitres.

Les limiers du NAVCC se sont lancés dans d’intenses recherches «dans les archives de tout le pays pour retrouver les intertitres en langue anglaise», explique M. Loughney, comparant leur tâche à un méticuleux travail d’archéologue.

La Nouvelle-Zélande a également renvoyé des films anciens aux États-Unis. Et le NAVCC travaille avec le Centre National du Cinéma en France au rapatriement dans le bunker de Virginie de quelque 20 000 bobines de films anciens.

«Nous soupçonnons qu’il existe un nombre important de films perdus parmi ceux se trouvant en France», a estimé M. Loughner.

Une fois rapatriés, les films seront classés aux côtés de chefs-d’oeuvre tels que Gigi et An American in Paris, dans le bunker taillé à flanc de colline.