Le cinéaste Bertrand Tavernier, dont le film La princesse de Montpensier sortira en avril aux États-Unis, est venu défendre à Los Angeles, le temps d’un hommage, le «plaisir physique» que lui procure le cinéma et son amour pour les westerns de l’âge d’or hollywoodien.

Après son magnifiqueIn the Electric Mist, tourné aux États-Unis avec Tommy Lee Jones et John Goodman, le cinéaste de Coup de torchon (1981) a renoué pour La princesse de Montpensier avec ses amours de jeunesse: les duels, les grandes chevauchées et autres cavalcades.

«Je suis devenu metteur en scène à cause de l’admiration que j’avais pour les westerns comme La charge héroïque (John Ford, 1950), 3 h 10 pour Yuma (Delmer Daves, 1957), Les affameurs (Anthony Mann, 1952) ou La vallée de la peur (Raoul Walsh, 1947)», raconte-t-il à l’AFP à Beverly Hills.

«Tout à coup, je retrouvais ce qu’on dû ressentir ces metteurs en scène, quand ils filmaient des cavalcades, des plans de nature. C’était comme revenir à mes racines, à ce que je ressentais quand j’avais 15 ans. Je me revoyais, jeune cinéphile, en train de découvrir les formidables duels à l’épée de Scaramouche», de George Sidney (1952), s’enthousiasme-t-il.

L’ogre du cinéma français qui fait feu de toute histoire et explore depuis L’horloger de Saint-Paul (1974) tous les genres du cinéma avec une égale gourmandise - et une connaissance encyclopédique du cinéma -, confie son immense plaisir à tourner des films.

«Il y a une chose que j’essaie de montrer très fortement dans mes derniers films, c’est à quel point je suis heureux sur le plateau, à quel point j’aime tourner, et à quel point j’ai envie de communiquer au public le plaisir que j’ai éprouvé à faire ces films», dit-il.

«Ce plaisir ne dépend pas seulement de l’atmosphère d’un plateau, c’est aussi le plaisir physique de travailler la caméra, la photo, à diriger les acteurs», ajoute-t-il. «Quand j’étais jeune, je sentais ce plaisir dans les films que j’aimais. Je trouve qu’il a un peu disparu du cinéma contemporain».

S’il revendique son admiration pour les westerns de l’âge d’or hollywoodien, le cinéaste est tout aussi passionné dans son rejet de l’immense majorité des films de cape et d’épée français, notamment ceux interprétés par Jean Marais, «qui lui ont toujours paru complètement nuls.»

«Les décors étaient nuls. Personne ne se foulait dans les choix des extérieurs, les chevauchées étaient filmées dans des plaines tristes et sans ciel. Les couleurs étaient moches, horribles à voir», affirme-t-il.

«Les Français ont mis très longtemps à se servir de la couleur. Il a fallu attendre les années 60 et 70 et la nouvelle génération de chef-opérateurs pour avoir enfin des films magnifiquement photographiés. Avant ça, c’était bâclé, tout était suréclairé», déclare-t-il.

La princesse de Montpensier, une histoire d’amour sur fond de guerres de religion adaptée de la nouvelle de Madame de La Fayette, avait été présenté au Festival de Cannes en 2010. Sa projection à l’American Cinémathèque en mars, dans le cadre d’un hommage au cinéaste, a été chaleureusement accueillie.

«Ils ont trouvé le film moderne et audacieux», observe Bertrand Tavernier. «Ça m’a changé de certaines réactions à Cannes où on me disait que le film était trop classique. Je n’arrivais pas à comprendre cette critique.»

«Mais Claude Chabrol m’avait prévenu, il y a quelques années», poursuit-il. «Il m’avait dit: «Si tu fais un film avec des bougies et des lampes à huile, les gens vont dire que c’est classique et académique. Si tu fais le même plan avec une lampe de poche, ça va être moderne».»