Il y a quelques années, Yahima Torres a quitté son Cuba natal pour un court séjour à Paris. Elle y vit depuis.

Gagnant d'abord sa croûte en donnant des cours d'espagnol, la jeune femme a appris le français en un temps record. Dans son quartier, tout à fait par hasard, elle a un jour croisé Abdellatif Kechiche. Qui n'oubliera pas la personnalité singulière de cette femme qui avait déjà fait un peu de théâtre et de danse à La Havane.

Quand est venu le moment de trouver l'actrice qui pourrait tenir le rôle délicat de Saartjie Baartman dans Vénus noire, le réalisateur de La graine et le mulet a fait un important casting afin de trouver sa perle rare. Il a pourtant fixé son choix sur une actrice non professionnelle, qui fait ici ses débuts au cinéma.

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«Outre son talent naturel, Yahima est très enjouée dans la vie, explique Kechiche. Elle est dotée d'un type de caractère qui fait en sorte qu'avec elle, j'avais moins peur que l'actrice soit atteinte par la tragédie du personnage. Yahima a su mettre la distance nécessaire entre le personnage et elle au bon moment, toujours.»

Rencontrée récemment à Paris, l'actrice évoquait la même approche.

«En tant que femme, il est certain que l'histoire de Saartjie m'attriste au plus haut point. Comment pourrait-il en être autrement? Mais j'ai fait attention à ce que l'actrice et le personnage ne se confondent jamais. Sur le plateau, tout le monde a été très respectueux. Jamais je n'ai senti qu'on me regardait de façon inconfortable ou malsaine.»

Pour les besoins du rôle, Yahima n'a pas hésité à se transformer physiquement pour que sa morphologie corresponde, autant que faire se peut, à celle de cette femme sud-africaine du XIXe siècle, exhibée en Europe comme une bête de foire.

«Je me suis parfois demandé pourquoi Saartjie avait agi comme elle l'a fait dans certaines situations, mais ses décisions lui appartiennent complètement. Et s'inscrivent dans le contexte de l'époque.»

Grâce à ce rôle, Yahima Torres a obtenu le prix Lumière du meilleur espoir, remis par la presse étrangère en poste à Paris. Elle a aussi été en lice pour le César du meilleur espoir féminin.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.