Un pape saisi de panique après son élection, incarné magistralement par Michel Piccoli, se fait aider par un psychanalyste: c’est la trame de Habemus papam, un film aux accents de comédie signé Nanni Moretti et sélectionné jeudi pour concourir à Cannes.

Tout commence pourtant si bien pour le cardinal Melville, un outsider dans la course au trône de saint Pierre: c’est ce vieillard chenu à l’apparence modeste et tranquille que les cardinaux réunis dans la chapelle Sixtine choisissent d’élire.

Mais peu à peu notre cardinal français prend conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attend. Alors que du haut du balcon de la basilique Saint-Pierre le camerlingue vient d’annoncer: «Habemus papam» («Nous avons un pape»), Melville est pris de paralysie.

«Aidez-moi, je ne peux pas»: c’est le cri de détresse qu’il lance avant de s’enfuir en courant à travers les couloirs du Vatican, au nez et à la barbe de ses collègue pantois. Derrière lui, il laisse le vide béant de ce balcon face à la foule des fidèles.

«Il s’est passé quelque chose d’énorme», commente le porte-parole du Vatican qui, désespéré, décide de recourir aux services d’un psychanalyste pour faire rentrer le nouveau pape dans le rang.

S’ensuivent des scènes et dialogues succulents entre le psychanalyste interprété par Nanni Moretti et les cardinaux.

«Les concepts d’âme et d’inconscient ne peuvent pas coexister», explique ainsi doctement un cardinal au psychanalyste, qui lui réplique que «dans la bible on parle de dépression: perte de sommeil, tristesse, suicide...»

Autre scène comique digne de Woody Allen: Nanni Moretti tente d’expliquer aux cardinaux tout empourprés les différentes typologies de médicaments auxquels ils ont recours (somnifères, anxiolytiques...)

Mais le personnage central reste le pape, servi par le talent de Michel Piccoli, qui à 85 ans trouve un rôle parfaitement à sa mesure.

«Je voulais raconter ce personnage tellement fragile qui se sent inadapté pour remplir ce rôle, mais à l’intérieur d’une comédie», a expliqué jeudi lors d’une conférence de presse Nanni Moretti, qui après une audition a choisi l’acteur inoubliable du Mépris de Jean-Luc Godard.

«Je voulais raconter ce sentiment de se sentir inadapté qui saisit tous les cardinaux après être élus», raconte le cinéaste de 57 ans.

Une affirmation confirmée par le pape actuel Benoît XVI dans son livre Lumière du monde: «La pensée de la guillotine m’est venue: voilà, maintenant elle tombe et te frappe», écrit-il, évoquant «un choc» lors de son élection.

Le film, qui en toute logique devrait plutôt s’appeler Non habemus papam, n’est pas une réflexion philosophique sur les rapports entre religion et psychanalyse, mais plutôt une comédie qui se moque des médias et de la psychanalyse tout en ménageant paradoxalement l’Église.

Le personnage de Piccoli est touchant dans sa solitude et sa détresse: «Laissez-moi partir, je vous en prie», supplie-t-il à un moment au porte-parole du Vatican. «Je fais l’acteur, mais maintenant je suis fatigué», confie-t-il.

«Les silences sont importants» dans mon film, tient à souligner Moretti, dont la caméra s’attarde longuement sur le visage hiératique de Piccoli, sculpté dans le marbre et derrière lequel combattent la foi et l’angoisse.

Interrogé par l’AFP, l’auteur de Journal intime (1994) et de La chambre du fils (Palme d’or à Cannes en 2001) reconnaît qu’il «retourne souvent à la psychanalyse dans ses films». «Je devrai un jour ou l’autre me demander pourquoi», sourit-il.