Huit ans après 8 femmes, Catherine Deneuve retrouve François Ozon et propose l'une des compositions les plus étonnantes de sa carrière.

Depuis plusieurs décennies, elle est l'image de marque du cinéma français, tant chez elle qu'à l'étranger. François Ozon n'a pourtant pas hésité à offrir à Catherine Deneuve un rôle comique inédit. Le pari était d'autant plus audacieux que Potiche est tiré d'une pièce de boulevard de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, écrite dans les années 70 pour la regrettée Jacqueline Maillan, une actrice dont le type d'emploi n'était pas tout à fait le même que celui de la Belle de jour.

«Je n'ai pas vu la pièce, a expliqué Catherine Deneuve au cours d'une rencontre avec quelques journalistes québécois l'an dernier au Festival de Toronto. Je n'ai pas voulu la lire non plus. Je sais qu'il existe une captation, que je verrai peut-être maintenant que le film est terminé, mais je suis convaincue que François, de qui rien ne me surprend, lui a ajouté une touche de modernité. Un petit côté subversif aussi.»

Campé dans les années 70, le récit relate le parcours d'une femme-trophée à qui personne ne demande son avis, héritière d'une entreprise dont s'occupe désormais entièrement son mari (Fabrice Luchini). Un concours de circonstances amène pourtant cette grande bourgeoise à devoir malgré elle assumer la direction d'une société minée par de très mauvaises relations de travail avec ses salariés. Elle y prend goût. Au point d'aller tâter de la politique.

«Aucune vraie politicienne ne m'a inspirée (pour le rôle), mais, même si c'était le cas, je ne dirais pas qui, lance l'actrice. Dans les discussions, nous avons évidemment évoqué certaines personnalités féminines qui se sont distinguées au fil de l'histoire, mais nous avons aussi pensé aux compagnes de certains politiciens. Je crois que François a eu envie de se lancer dans ce projet lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2007. La présence de Ségolène Royal dans la course a fait ressortir certains traits, ça, c'est sûr.»

Un rythme soutenu

Catherine Deneuve n'a pas hésité à retrouver François Ozon huit ans après 8 femmes, d'autant plus qu'à ses yeux, leur première collaboration s'était déroulée magnifiquement bien.

«Pour lui, cela a peut-être été un peu plus difficile à l'époque, reconnaît-elle pourtant. François a été obligé de jouer un peu au colonel d'armée pour gérer le tournage d'un film choral avec huit actrices. Il fallait de la discipline. Mais je n'ai personnellement ressenti aucune tension, ni envers lui ni envers mes camarades. Je sais que les journalistes auraient alors espéré entendre autre chose, mais non, nous nous sommes toutes très bien entendues! Cela dit, la dynamique était forcément différente pour Potiche, car je suis pratiquement de toutes les scènes. Le rythme de travail était très soutenu.

«Cela dit, on prend un risque quand on accepte ce genre de proposition, car on ne peut faire autrement que d'aborder ce genre de personnage au premier degré. François est pratiquement le premier à me demander ça. J'y ai pris beaucoup de plaisir. On ne peut toutefois constater la réussite que le jour où l'on voit le film. Pendant le tournage, on ne sait pas.»

Pas de nostalgie

Les années 70, amorcées avec Tristana (Buñuel) et terminées avec Le dernier métro (Truffaut), ont été fécondes pour celle qui fut révélée au monde grâce aux Parapluies de Cherbourg. Cette époque a installé le «mythe Deneuve» dans l'imaginaire des cinéphiles. Pourtant, cette période n'a pas laissé de traces indélébiles dans la mémoire de l'actrice.

«Même si je suis de nature mélancolique, je ne suis pas du tout portée sur la nostalgie, indique-t-elle. Les années 70 n'ont pas particulièrement compté dans ma vie. Je ne vis pas dans le passé. Cela dit, j'ai été sensible aux mouvements des femmes, à la revendication de nos droits. À cet égard, Potiche a très certainement une résonance avec la situation actuelle dans le milieu de travail.»

Retrouvailles avec Depardieu

Potiche réunit une distribution des plus alléchantes. Outre la vedette et Luchini, Karin Viard, Judith Godrèche et Jérémie Rénier sont de la partie. Cette comédie déjantée marque aussi les retrouvailles entre Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, dont les parcours se sont croisés à plusieurs reprises depuis Le dernier métro. L'un des moments les plus marquants de Potiche consiste en une scène où les deux personnages dansent ensemble. François Ozon explique ainsi la magie qui passe entre les deux monstres sacrés.

«Cela ne se voit pas au moment où l'on tourne, raconte le cinéaste. Par exemple, j'avais le sentiment que la scène de danse entre Catherine et Gérard était ratée parce que Gérard est arrivé sur le plateau un peu vinifié, sans avoir appris la chorégraphie. Or, la magie de la scène s'est révélée au moment où j'ai regardé les prises. Quelque chose qui se passait dans les regards. Tout était là!»

«Il est tellement mignon, dit l'actrice à propos de celui dont elle a déjà déclaré qu'il était son partenaire de jeu favori. Je connais tellement Gérard que je sais m'adapter à lui. Et lui à moi. Même si la scène a été difficile à tourner, Gérard a été absolument adorable. Et toujours très joyeux. Je crois que ce film lui a fait du bien. Il est tellement malin qu'il sait contourner tous les obstacles.»

Catherine Deneuve sera par ailleurs de l'actualité cannoise. Dans le nouveau film de Christophe Honoré, Les bien-aimés, présenté à la soirée de clôture le 22 mai, elle donne la réplique à sa fille Chiara Mastroianni. Elle pousse aussi la note à la faveur de chansons d'Alex Beaupin, compositeur des Chansons d'amour.

«Mais je ne suis pas une chanteuse, prévient-elle. Même si on m'a demandé de le faire de temps à autre, y compris dans Potiche. Je suis plutôt une actrice qui chante!»

Potiche prend l'affiche le 13 mai.