N'ayant jamais eu droit au plus prestigieux laurier de Cannes, Bernardo Bertolucci a reçu hier des mains du président du jury, Robert De Niro, la toute première Palme d'or d'honneur.

 

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Dans l'esprit de tous les cinéastes, la Palme d'or du Festival de Cannes constitue le plus beau laurier qui soit. Ils en rêvent tous. Autant ceux qui en sont à leur premier film que les vétérans. «Quentin Tarantino a déjà déclaré que la liste des lauréats de la Palme d'or était fort belle, a rappelé hier le délégué général Thierry Frémaux devant un parterre de journalistes. Mais il a ajouté que la liste des grands cinéastes ne l'ayant jamais eue l'était encore plus!»

Bernardo Bertolucci est du nombre. Tout comme le regretté Ingmar Bergman. Dont la fille, l'écrivain Linn Ullmann, siège cette année au sein du jury présidé par Robert De Niro. C'est d'ailleurs ce dernier, vedette de Novecento (1900), qui a remis hier soir au cinéaste italien la toute première Palme d'or d'honneur, destinée à récompenser la carrière d'un cinéaste dont certains films ont déjà été présentés à Cannes, sans avoir jamais eu la chance d'obtenir l'ultime récompense.

«J'ai le sentiment que la direction du Festival a décidé d'instaurer ce nouvel honneur afin de rétablir un certain équilibre, a déclaré Bernardo Bertolucci lors d'une conférence de presse tenue avant la cérémonie. Remarquez qu'à l'époque de 1900, je n'avais pas voulu inscrire le film en compétition car il était hors norme. Le film avait d'ailleurs été montré ici en deux parties, pour un total de plus de cinq heures de projection. Or, Costa-Gavras avait présidé le jury cette année-là. Quand je l'ai croisé plus tard, il m'a demandé pourquoi je n'avais pas voulu faire concourir mon film parce qu'il avait voulu me donner la Palme. Avoir su!»

Qu'attend le jury?

Évidemment, on ne peut savoir d'avance ce genre de choses. Le jury 2011, qui a été présenté à la presse hier, le sait mieux que personne. D'autant plus que son président, Robert De Niro, n'a pas la réputation d'être très loquace.

«Je ne sais pas vraiment ce que je cherche, ni à quoi m'attendre, a-t-il déclaré. Je sais que j'ai hâte de voir les films qu'on nous proposera. Il est assez inhabituel pour nous de visionner 20 longs métrages en si peu de temps.»

Comme pour faire écho à la Palme d'honneur qu'il a remise hier soir à Bernardo Bertolucci, l'acteur cinéaste a révélé éprouver des sentiments contradictoires envers ce genre de récompense.

«C'est souvent une lame à deux tranchants, précise-t-il. C'est en tout cas très utile pour la visibilité de certaines oeuvres. Je fréquente Cannes depuis maintenant 35 ans. Il est clair qu'il s'agit d'un festival unique en son genre. Je ne ressens pas de pression particulière, sinon celle de devoir arbitrer des divergences de points de vue au sein du jury, si jamais devaient surgir de profonds désaccords.»

Rappelons qu'autour du président, 8 jurés auront la tâche de départager les 20 films en compétition avant de désigner les lauréats des 7 prix du palmarès officiel.

Les autres membres du jury sont l'actrice Uma Thurman, la critique et auteure norvégienne Linn Ullmann, la productrice argentine Martina Gusman, également actrice (Carancho), de même que la productrice chinoise Nansun Shi (Infernal Affairs). L'acteur britannique Jude Law fait aussi partie du jury, en compagnie du cinéaste français Olivier Assayas (Carlos), de son collègue tchadien Mahamat Saleh-Haroun (Un homme qui crie), et du réalisateur hongkongais Johnny To (Vengeance).

«Nous ne sommes évidemment pas imperméables aux rumeurs qui circulent sur la Croisette, a souligné Olivier Assayas, mais les festivaliers ne voient pas obligatoirement tous les films de la compétition. Il faut porter les plus forts et trouver un terrain commun pour neuf sensibilités différentes. Dans ce genre d'exercice, il y a toujours eu des erreurs et il y en aura toujours. Les bons films imposent leurs propres normes. À nous de nous y adapter.»

Un avenir en 3D

Pour Bernardo Bertolucci, qui a dédié sa Palme d'honneur aux «Italiens qui ont encore le courage de résister», l'hommage arrive à un moment on ne peut plus opportun.

«À cause de ma condition physique, j'étais à peu près certain de ne jamais plus rien pouvoir tourner de ma vie, a déclaré le cinéaste, confiné à un fauteuil roulant. Or, je suis tombé sur le roman Moi et toi de Niccolo Ammaniti, que j'ai eu envie de porter à l'écran. Ce que je ferai à l'automne. Un sous-sol, deux personnages, en 3D. J'ai été fasciné par Avatar. Je me suis dit qu'il serait bien que cette technologie soit aussi mise à profit pour d'autres genres de films. Si Fellini avait pu tourner ses films en 3D, cela aurait été extraordinaire!»

Quant à la version restaurée du Conformiste, qui sera présentée aussi dans le cadre de la série Cannes Classics, le réalisateur du Dernier tango à Paris exprime quand même un regret. «Si une Cinémathèque voulait me restaurer, moi, ce serait génial!»