Un couple qui s'aime. En périphérie, un (autre) homme et une (autre) femme. La cinéaste Massy Tadjedin les a «observés» pendant 36 heures. Conversation avec une femme qui explore la tentation, sans juger.

Ils ont la jeune trentaine. Joanna (Keira Knightley) est journaliste à la pige. Michael (Sam Worthington) est son mari et travaille dans l'immobilier. Dans son présent, il y a aussi Laura (Eva Mendes), une collègue de bureau. Et du passé de Joanna surgit Alex (Guillaume Canet), romancier français qui débarque à New York alors que Joanna y est seule. Michael est en voyage d'affaires à Philadelphie - et, oui, Laura l'y accompagne.

Last Night les suit pendant 36 heures où tensions et tentations cohabitent.

«J'ai voulu explorer la nature de la tentation et la façon dont nos relations évoluent dans le temps. Quand on est en relation avec quelqu'un depuis plusieurs années, il y a cet amour qui devient plus profond, plus riche, mais il y a aussi la tentation, qui peut survenir n'importe quand et est complètement irrespectueuse de notre vie rangée. Il y a des pans de notre vie qu'on ne peut maîtriser; on ne sait jamais ce qui nous attend au coin de la rue - et c'est très bien comme ça», explique Massy Tadjedin en entrevue téléphonique depuis Los Angeles.

Cette complexe simplicité

La scénariste d'origine iranienne a su, dès l'écriture de cette partition à quatre voix, qu'elle allait franchir, avec Last Night, le pas dont elle rêvait depuis l'âge de 12 ans - et passer derrière la caméra: «Je croyais sérieusement que ce serait plus facile d'apprendre le métier avec un récit comme celui-là, très fermé - peu de personnages, peu de lieux - et sans intrigue complexe», rit-elle au bout du fil. Car si l'expérience s'est avérée gratifiante, la réalisatrice sait à présent que le défi était de taille: «La simplicité est plus compliquée à filmer qu'on le croit. Je pense aussi que les personnages très réalistes sont plus difficiles à rendre à l'écran que ceux qui sont plus grands que nature.»

Trouver la vérité de certaines situations simples, la rendre à l'écran, ne se fait pas en criant ciseaux - ou «Silence, on tourne!» -, a découvert celle qui a d'abord consacré beaucoup d'efforts à rendre cette vérité sur papier. Puis à trouver ceux qui pourraient lui donner vie.

Une distribution qu'elle n'a pu constituer en bloc, mais pas à pas, un acteur après l'autre, afin de varier les chimies et même les apparences. Joanna n'est pas la même en compagnie de Michael ou d'Alex. Michael n'est pas le même aux côtés de Joanna ou de Laura. Physiquement aussi, Keira Knightley et Eva Mendes affichent deux genres de beauté. Et la séduction qui émane de Sam Worthington diffère de celle de Guillaume Canet.

Massy Tadjedin a pensé à tout cela au moment de proposer leur rôle à ses acteurs. Elle avait rencontré Keira Knightley au moment du tournage de The Jacket, dont elle avait signé le scénario, et avait apprécié sa beauté naturelle. Elle avait apprécié le travail de Sam Worthington sur Somersault («un petit film australien que j'ai beaucoup aimé») et lui a envoyé son scénario pendant le tournage d'Avatar, donc bien avant qu'il ne devienne «un nom». Elle avait rencontré Guillaume Canet lorsqu'il était de passage à Los Angeles et il lui avait fait forte impression.

Quant à Eva Mendes, «elle est une des femmes les plus sexy de notre époque, mais elle est aussi d'une grande générosité. Je ne voulais pas que Laura soit une prédatrice, et Eva l'a compris; elle joue le personnage à l'encontre des clichés. Laura ne cherche pas à détruire un couple, à voler le mari d'une autre. Elle sait que la vie est courte, imprévisible, et qu'il faut en profiter», explique la réalisatrice. À ses yeux, Laura est «la personne la plus honnête (du quatuor); les autres disent une chose, mais en font une autre». De la première à la 36e heure - sur laquelle le rideau tombe dans un flou prémédité par Massy Tadjedin, qui préfère que les spectateurs imaginent la suite des choses.

La cinéaste a toutefois sa propre idée de la direction que prendront ses personnages. «Last Night n'est pas autobiographique, mais, d'une certaine manière, c'est une histoire très personnelle, car nous connaissons tous quelqu'un qui ressemble à l'un de ces quatre personnages. En fait, chacun d'entre nous peut s'identifier à l'un d'eux... ou même à plusieurs d'entre eux.» Selon les temps de la vie et d'une relation.

Last Night prend l'affiche le 21 mai.