Il y a deux ans, Antichrist avait choqué la Croisette. Cette année, Melancholia n'a rien de scandaleux mais Lars Von Trier n'a pu s'empêcher de pousser son goût pour la provocation en révélant une «petite» sympathie pour Hitler en conférence de presse...

Il est quand même étrange à quel point les choses peuvent changer en deux jours. Alors que la plupart des journalistes déchiraient leur chemise pour déplorer l'absence de Terrence Malick à la conférence de presse de The Tree of Life lundi; ils étaient hier quelques-uns à penser que Lars von Trier aurait dû imiter son collègue américain et ne point se présenter à celle de Melancholia.

Reconnu pour ses déclarations à l'emporte-pièce et son penchant pour la provocation, le trublion danois s'est laissé aller à une dérive quand il fut question de ses origines personnelles, de romantisme allemand, et de déclarations récentes, rapportées par une revue danoise, à propos de son «goût pour l'esthétique nazie». Plus le malaise s'installait, plus le réalisateur en rajoutait. Au grand dam de Kirsten Dunst. Visiblement embarrassée, l'actrice ne savait comment réagir face au dérapage du metteur en scène.

«J'ai longtemps pensé que j'étais juif et j'en étais très content, a déclaré Lars Von Trier. Puis, j'ai découvert que je n'étais pas juif, que j'étais nazi, parce que ma famille était allemande, ce qui m'a aussi fait plaisir. Je comprends Hitler. Je pense qu'il a fait de mauvaises choses, absolument, mais je peux l'imaginer assis dans son bunker à la fin. Bien sûr, je ne suis pas pour la Seconde Guerre mondiale, je ne suis pas contre les juifs. Je suis avec eux bien sûr, mais pas trop. Parce qu'Israël fait vraiment chier!»

En voyant la mine ahurie de Kirsten Dunst, assise à ses côtés, Von Trier a donné le coup de grâce: «OK. Je suis un nazi!»

Ceux qui suivent la carrière de l'auteur cinéaste, en compétition à Cannes pour la neuvième fois, connaissent évidemment son inclination naturelle pour l'humour très sombre, désespéré, dépassant parfois les limites du mauvais goût. Les autres, qui ont pris ses déclarations au premier degré - il était pourtant clair qu'il jouait le jeu de la provocation - ont été horrifiés par ses propos. Von Trier a d'ailleurs dû présenter ses excuses en fin de journée.

Un état d'esprit

Tout avait bien commencé pourtant. Von Trier se disait même «heureux» d'être là. Un exploit quand on tient compte du mal de vivre chronique du réalisateur d'Antichrist.

«À mes yeux, Melancholia n'est pas vraiment un film sur la fin du monde, mais sur un état d'esprit: la mélancolie, dit-il. La Terre est en train d'être détruite, mais à quoi bon être troublé puisque nous allons tous mourir!»

D'une beauté somptueuse sur le plan formel, porté aussi par les élans grandioses de la musique de Wagner, Melancholia est divisé en trois chapitres: un prologue; une partie consacrée au personnage de Justine (Kirsten Dunst); et l'autre à celui de Claire (Charlotte Gainsbourg). Elles sont soeurs. La première est d'une nature dépressive, mais consent néanmoins à convoler en justes noces, parce qu'il le faut bien. Et accepte de jouer le jeu d'une cérémonie somptueuse dont sa soeur supervise l'organisation. Incapable d'anesthésier son mal-être, même en ce grand jour, Justine se laissera aller à des activités non prévues au programme de la journée.

À l'opposé, Claire s'appuie sur sa famille pour organiser son bonheur. Solide et tranquille. Mais voilà, au fur et à mesure que la menace d'une collision entre la planète «Melancholia» et la Terre devient sérieuse, les personnalités des deux soeurs changent radicalement alors que s'annonce la destruction imminente du monde.

«J'ai connu plusieurs phases mélancoliques dans ma vie, a déclaré Lars Von Trier avant son dérapage. J'aime la notion de souffrance et de culpabilité que véhicule la mélancolie. Elle existe dans l'art que j'aime et fait partie intégrante des formes artistiques les plus réussies.»

Si Melancholia impressionne sur le plan artistique, il ne convainc toutefois guère sur le plan du récit. Cela dit, certaines envolées lyriques sont remarquables.

«En visionnant les scènes, je me suis mis à rejeter ce romantisme, d'expliquer pourtant le cinéaste. La musique de Wagner nous a emportés au point où tout est devenu un peu trop romantique. Il est même probable que ce film ne vaille pas la peine d'être vu!»