Sauver le monde avec un film... En voilà, du pain sur la planche!

Le cinéaste Oliver Schmitz ne caresse pas d’aussi héroïques ambitions. Au plus souhaite-t-il réveiller un peu nos consciences avec son cinéma engagé. L’auteur de Life, Above All, qui traite des ravages du sida en Afrique du Sud, a bien voulu, de New York, nous prêter un peu de son temps.

«Life, Above All n’est pas qu’un autre film sur le sida, c’est avant tout une tragédie familiale, un drame humain aux racines universelles, précise Schmitz. Changer le monde avec des films, je n’ai pas de si grandes ambitions. Surtout, je ne veux pas manipuler les gens avec les codes du mélodrame.»

Pourtant, au vu de son synopsis, Life, Above All aurait tout l’air – ce qu’il n’est assurément pas – d’un de ces exercices de cinéma larmoyant aux vues édificatrices.

Voyez: la jeune Chanda, à peine adolescente, vit avec sa famille dans un township déprimant et poussiéreux, en banlieue de Johannesburg. Douée pour les études et attirée par la promesse d’un avenir meilleur, Chanda doit porter un lourd fardeau sur ses fragiles épaules: sa famille, victime de vilaines rumeurs (le clan est porteur de «the bug», la maladie, le sida encore incompris), se déchire et se disloque, menant à la fuite de sa mère.

L’adolescente fera tout son possible pour retrouver sa maman, recluse dans une cabane providentielle, pour régler quelques comptes avec les mauvaises langues du village et, essentiellement, pour réconcilier des êtres éloignés par l’ignorance, le potin et la superstition.

Empathie et engagement

Par ce film, Schmitz a voulu montrer du doigt, sans verser dans la dénonciation revancharde, l’apathie politique et le bordel général causé par le fléau du sida en Afrique du Sud. Les actions d’aide auprès du peuple sont mal organisées, l’éducation ne se fait pas ou passe mal, les soins sont rares. Tout cela semble chaotique et laissé au hasard. Hasard contre lequel se bat instinctivement l’héroïne de son film.

Schmitz explique: «Les liens familiaux, l’entraide sont primordiaux en ces régions décimées où les gens sont abandonnés et, surtout, où les enfants sont laissés à eux-mêmes. Ce fléau mal expliqué et mal compris aura laissé des stigmates profonds chez les gens. Ils ont en quelque sorte et bien malgré eux brisé les principes de l’Ubuntu», dit-il.
Ubuntu. Qu’est-ce à dire? Il s’agit, grosso modo, d’un concept issu des traditions africaines, vocable difficilement définissable et encore moins traduisible. Une sorte de force unificatrice, de liant entre l’individu, le commun et cette «autre chose», au-delà de l’humanité, cette chose diaphane et cosmique qu’on nommerait chez nous, de manière plate, l’empathie. Life, Above All (La vie avant tout) porte ainsi fort bien son titre, qui n’a rien de gratuit, de fleur bleue. Sachez, pour l’anecdote, qu’il existe un système informatique nommé Ubuntu, et même un soda, l’Ubuntu Cola! (À saveur d’espoir?)

Inspiré d’un roman de l’écrivain canadien Allan Stratton (Chanda’s Secrets), vivement proposé à Schmitz par le producteur Oliver Stoltz, Life, Above All s’est rapidement concrétisé.

«Tout s’est fait assez vite, de l’ébauche à la réalisation, dit Schmitz. Nous avons recruté les acteurs parmi les professionnels, mais aussi parmi les gens ordinaires, après audition. La jeune Khomotso Manyaka, qui incarne merveilleusement Chanda, n’avait aucune véritable expérience du métier d’actrice. Elle voulait devenir médecin! Cette ambition a sans doute ajouté à la crédibilité de son personnage, qui veut sauver les gens.»

Dégoûté par les déroutes de l’impérialisme et de l’apartheid, Schmitz, né à Cape Town de parents allemands (il ira d’ailleurs s’exiler chez les Germaniques par refus d’adhérer aux forces de l’ordre), fabrique un cinéma engagé, un cinéma «social», sans paillettes, depuis Mapantsula en 1988. Il a réalisé des courts métrages documentaires et des films pour la télévision avant de concevoir ce vibrant Life, Above All, primé à Cannes en 2010. «Le cinéma hollywoodien ne parle pas des vraies gens, des vrais ennuis. J’aimerais que mes films, par leur approche de certains sujets délicats et profonds, mènent le spectateur à réfléchir à des problèmes plus vastes, qui dépassent ce qu’on apprend aux nouvelles et ce qu’on lit dans les journaux.»

Life, Above All
prend l’affiche du cinéma AMC Forum 22 vendredi prochain.