Celine Danhier a laissé – momentanément peut-être – la France pour New York, métropole bizarre, sans cesse en changement, qui passe du meilleur au pire sans avertir. Entretien avec l’auteure de cet étonnant Blank City, portrait d’une ville, d’un mouvement, d’un moment particulier.

« J’ai fait ce film avec peu de moyens, sans attendre, avec la complicité des gens que je connais ou que j’ai rencontrés », dit la cinéaste qui n’a plus 20 ans, mais pas encore 40. Elle se dit fascinée par un court moment de l’histoire des arts américains, cette période étrange et tumultueuse allant de 1975 aux années 80, à peu de choses près.

Du punk au new wave jusqu’à la sinistre découverte du sida. Les nombreux artistes interrogés dans cet hommage à la libre création ont tous connu, de près comme de loin, un monde sans calcul, sans mesure, peuplé de gens excentriques, égarés, marginaux, tous habités par ce même besoin de créer, coûte que coûte. Et ce n’était pas si cher...

« New York est une ville qui rassemble. Il y avait, pendant ces années, une communauté d’artistes qui voulaient faire quelque chose et qui avaient besoin de le faire avec peu , estime-t-elle. Ce peu étant souvent l’énergie du désespoir. Blank City présente donc des énergumènes parmi ce qu’on appelait la "scène underground" : des cinéastes improvisés, des poètes, des musiciens, qu’on rangerait trop facilement parmi les punks. »

Celine Danhier constate qu’il y a eu une sorte de rencontre, une « connexion entre les voyous et les intellos ». Cette rencontre s’est produite, même si elle n’a pas duré, avant l’embourgeoisement de New York, ville immense aux quartiers alors défaits, aux immeubles insalubres, là ou ces esprits libertaires allaient grouiller avec les coquerelles.

Fuck the system, do it !

Parmi cette faune, on trouve John Lurie, Lydia Lunch, Amos Poe, Jim Jarmusch, cet inévitable John Waters, toujours présent quand il est question d’art transgressif, ou de transgression en général. Et plusieurs autres artistes moins célébrés, amis de ce qu’il ne serait pas maladroit de nommer la nouvelle vague new-yorkaise (oui, la new wave).

« On se perd un peu dans ces termes : postmodernisme, punk, new wave... Je ne voulais pas faire un film nostalgique, comme si cette urgence de créer sans argent, contre le système, sans bourses, était finie. C’est un regard optimiste sur un petit monde qui m’inspire et, je l’espère, en inspirera beaucoup », résume la documentariste.

Blank City est son premier long métrage. Il n’est donc en rien un avis de défaite, encore moins un rappel au désordre des choses, ce bon vieux temps où tout était possible, mais une invitation, par l’exemple, à faire de l’art sans souci d’accéder au showbiz.

« Ce film parle d’une sorte de grand happening organisé au hasard. Ces gens-là ont voulu choquer, faire bouger les choses. Et parfois, pour faire bouger les choses, on prend des risques, on fait n’importe quoi, on assume », conclut Celine Danhier.

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Blank City a pris l’affiche au Cinéma du Parc.