L'homme a du pif pour les films cultes. Le réalisateur américain John Landis a marqué les années 80 et la jeune génération de cette époque à l'aide d'une poignée de films grand public marquants, dont The Blues Brothers et la comédie d'horreur An American Werewolf in London. Grâce à ce film, le réalisateur a reçu un appel de Michael Jackson, qui lui a demandé de mettre en images sa chanson Thriller, révolutionnant du coup l'industrie du vidéoclip. L'hommage que lui rend le festival Fantasia est mérité.

Il n'est pas venu que cueillir un joli trophée, M. Landis. La veille de notre entretien, il présentait aux festivaliers montréalais Burke & Hare, son nouveau long-métrage, un premier en 12 ans. Lors de la période de questions-réponses suivant la projection, le réalisateur, scénariste, producteur (et occasionnellement acteur) est resté longtemps pour signer tous les autographes qu'on voulait bien lui demander. John Landis, 60 ans, mais toujours un peu ado dans sa tête, est un type amusant, un conteur insatiable, et généreux de surcroît.

Ce Burke & Hare est une comédie noire s'inspirant du sordide récit de ces deux légendaires meurtriers d'Écosse, qui ont assassiné 17 innocents pour ensuite revendre leurs corps au docteur Robert Knox, lequel enseignait l'anatomie en disséquant des corps.

«Ce film a été fait une dizaine de fois avant, explique Landis. Tous des films d'horreur. Moi, j'ai voulu essayer de rendre sympathiques ces deux assassins, en faisant une comédie. En plus, j'ai inventé une histoire d'amour c'est encore plus pervers, vous ne trouvez pas?», dit-il en rigolant. Le film, qui met en vedette Simon Pegg (Shaun of the Dead, Hot Fuzz) et Andy Serkis (le Gollum de Lord of the Rings), porte, de la première scène où un personnage s'adresse directement au spectateur jusqu'au générique (un montage de fous rires des acteurs), la signature Landis. À plus forte raison, si on cherche un parallèle avec son grand classique, An American Werewolf in London, autre film se déroulant dans le décor sinistre anglais.

«Si j'ai fréquenté l'Angleterre com­me ça, c'est par hasard», indique le réalisateur originaire de Chicago que la carrière a amené à voyager. En Italie, par exemple, alors qu'il travaillait sur Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone en tant que cascadeur! -, ou en Yougoslavie, là où, à la fin des années 60, il a eu l'idée du scénario de son film de ­loups-garous. Il l'a racontée mille fois, cette histoire, mais ne s'en lasse pas toujours pas.

«Je revenais d'un plateau avec un ami. On croise alors près de la route un attroupement de gitans de vrais de vrais, avec les costumes et tout, et deux prêtres orthodoxes, on les aurait cru sortis de la salle des costumes. À leur côté, un corps auquel on avait accroché plein de chapelets et des colliers de gousses dail. C'était une cérémonie spéciale; on enterrait la personne debout et le but de la cérémonie était de s'assurer quelle ne revienne pas hanter les gens...»

Humour et horreur

Le film a marqué les esprits par son mélange d'humour et d'horreur, et par les effets spéciaux et de maquillage de Rick Baker (qui travaille aussi sur Burke & Hare). Surtout, il a marqué celui de la plus grande pop star de l'époque : Michael Jackson.

«Lorsque Michael m'a approché pour faire ce clip, ça ne m'intéressait pas. Un clip, à l'époque, n'était qu'une pub pour vendre un disque. Mais à cause de sa notoriété, je me suis dit que ça pourrait être l'occasion de ramener le court-métrage aux yeux du grand public. Je ne me serais jamais attendu à ce que Thriller devienne un tel phénomène et d'ailleurs, on ne s'attend vraiment jamais à rien lorsqu'on commence à travailler sur un projet de film. En plus, je n'aimais même pas tellement la chanson! »

L'impact du clip a été énorme. «D'abord parce que ça a mis MTV sur la carte. Ensuite, CBS ne voulait pas financer l'opération. On a tout de même amassé 500 000 $, une somme faramineuse pour un clip à l'époque. Les danseurs ont répété pendant dix jours, du jamais vu. Aussi, c'était réalisé à la manière d'un film, pas d'un clip traditionnel. Tout d'un coup, on ne concevait plus le vidéoclip de la même ­manière.»

Et que dire des délinquants Blues Brothers, long métrage grâce auquel les jeunes voyaient pour la première fois à l'écran les James Brown, Ray Charles et Aretha Franklin!

«Je fais des films pour divertir, dit simplement John Landis. La vérité, c'est que tout ce qu'on fait est politique, de la façon dont on s'habille jusqu'aux films qu'on va voir. Malgré tout, la dernière chose que je veux, c'est qu'un spectateur croit que je suis en train de donner une leçon à travers mes films. Peu importe le genre de film que je fais, c'est du divertissement, et rien que ça.»

John Landis en quatre films

National Lampoons Animal House (1978)

Quatre ans après le film parodique à très petit budget Schlock, John Landis prend la commande du magazine humoristique National Lampoon pour quasiment créer le genre «comédie outrancière», avec un tout jeune John Belushi dans le rôle d'un universitaire qui accumule les mauvais coups, en compétition avec une fraternité rivale. Réalisé sur un budget de 2,7 M$, le film aurait généré des profits de plus de 140 M$, ce qui en fait l'un des plus profitables de l'histoire du cinéma hollywoodien.

The Blues Brothers (1980)

Autre comédie signée Landis, autre film culte. À nouveau avec Belushi, réuni avec son comparse de Saturday Night Live Dan Aykroyd. La liste des caméos est gigantesque: Aretha Franklin, Ray Charles, James Brown, Cab Calloway, John Lee Hooker, Pinetop Perkins, Chaka Khan, Steve Cropper parmi les musiciens, en plus de ses amis Frank Oz et Steven Spielberg...

An American Werewolf in London (1981)

À la suite du succès populaire des Blues Brothers, un studio accepte enfin de produire ce film dont il rêvait depuis 1968. Sil n'a pas inventé le genre comédie d'horreur, Landis la à tout le moins relancé pendant les années 80, décennie fertile pour le cinéma de genre. Les effets spéciaux et les maquillages de son complice Rick Baker ont forcé l'Académie à créer l'Oscar du Meilleur Maquillage, remis en 1982 à cet autre film culte. La scène de la transformation de David Kessler en loup-garou est légendaire...

Coming to America (1988)

Landis a marqué les années 80 et 90 avec son lot de films hyperpopulaires qui ont fait mouche au box-office... et un peu moins auprès de la critique: Spies Like Us, Oscar, Innocent Blood, Beverly Hills Cop III, entre autres. Le meilleur de l'époque? Coming to America, mettant en vedette Eddie Murphy (ainsi qu'Arsenio Hall) en prince africain nommé Akeem venu découvrir les États-Unis, s'installant dans le quartier Queens de New York. Un classique du cinéma du samedi à la télé!