La première mondiale de Monsieur Lazhar, le quatrième long métrage de Philippe Falardeau, a eu lieu hier soir sous les étoiles lors du 64e Festival du film de Locarno, en Suisse. Un moment magique auquel La Presse a assisté.

Il avait des papillons dans l'estomac, Philippe Falardeau, à quelques heures de la première mondiale de Bashir Lazhar, maintenant baptisé Monsieur Lahzar, sur la mythique Piazza Grande de Locarno.

Parce qu'il allait monter sur scène tout de suite après Gérard Depardieu venu rendre hommage à Maurice Pialat. Parce que deux jours plus tôt, Jon Favreau, Daniel Craig et Harrison Ford avaient foulé les mêmes planches pour présenter Cowboys & Aliens. Et, c'est loin d'être un détail, parce qu'une projection sur cette place, ça se fait en présence de plus de 7 000 personnes. Devant lesquelles il devait prendre la parole avant de leur «offrir» ce film qui prendra l'affiche au Québec le 28 octobre - et qui, parions-le, participera au Festival du film de Toronto: les autres oeuvres du cinéaste y ont toutes eu leur place; la chose sera confirmée - ou pas - aujourd'hui, lors de l'annonce de la programmation canadienne du TIFF.

Et? D'abord, les dieux du septième art ne sont pas tombés sur la tête des Québécois: le beau temps était au rendez-vous - alors qu'il a plu presque tous les jours depuis le début de l'événement, le 3 août. Ensuite, Philippe Falardeau s'en est tiré comme un chef. C'est avec humour et aplomb qu'il a présenté son film, passant de la Coupe du monde de foot à Cowboys & Aliens en faisant un détour par la problématique de l'immigration - Monsieur Lazhar abordant entre autres cette question. Le film suit en effet un Algérien fraîchement arrivé à Montréal (interprété par Fellag) qui, lui-même en plein drame personnel, remplace au pied levé une enseignante morte subitement. Sa route croise ainsi celle de deux enfants qui, eux aussi, traversent un drame.

Enfin, le film a été reçu dans un silence religieux par des milliers de personnes assises sous les étoiles: c'était immensément beau et émouvant. «Les papillons se sont envolés dès que j'ai entendu les premiers rires, a dit le cinéaste après la projection. Ensuite, c'est le silence qui m'a frappé. Je me suis dit qu'ils dormaient ou qu'ils étaient captifs.» Ils étaient captifs. Captivés. Émus. Participants - comme l'ont prouvé les rires ici et là; et les applaudissements alors que défilait le générique de fin... et même avant, lors d'une sortie bien sentie d'un des personnages.

Bref, sûrement un pas dans la direction que Philippe Falardeau souhaite prendre: «Après 10 ans de festivals, je voudrais que le film rencontre son public aussi au Québec», dit-il. La moitié gauche du frigo, Congorama et C'est pas moi, je le jure! ont obtenu la reconnaissance de la critique et ont tourné, avec succès, dans les festivals. Ils ont également reçu leur lot de prix. Mais avec Monsieur Lazhar, Philippe Falardeau et ses producteurs - Luc Déry et Kim McCraw, de micro_scope - passent à une autre étape.

C'est ce qui explique pourquoi ils ont préféré la projection sur la Piazza Grande, où le film est éligible au prix du public, à la compétition «locarnienne»: «Pour Olivier Père, directeur artistique du Festival de Locarno, le film avait le calibre nécessaire pour être de la compétition, mais il était aussi assez accessible pour faire l'objet d'une projection sur la Piazza Grande. Nous avons opté pour la seconde option, cela envoie un message aux acheteurs éventuels», indique Luc Déry.

D'ailleurs, le long métrage a déjà trouvé un distributeur en Suisse. Et ce, sous son nouveau titre: Bashir Lazhar s'appelle désormais Monsieur Lazhar. Pour deux raisons, explique Philippe Falardeau: «Bashir Lazhar est une combinaison de deux noms qui peuvent être difficiles à retenir. Et puis, je voulais marquer le passage entre la pièce d'Évelyne de la Chenelière et le film.»

Puisque, à l'origine, c'était une pièce de théâtre, écrite pour un homme seul. Philippe Falardeau a conservé l'homme et son parcours - «Et Évelyne a lu toutes les versions de mon scénario, elle a été la gardienne de l'intégrité du personnage» - mais il lui a greffé une école, une classe, une trame dramatique qui colle au cinéma. Et, ainsi, s'éloigne de «la dramaturgie poétique» d'Évelyne de la Chenelière.

Faire du cinéma et non du théâtre filmé. C'était la chose à faire.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville/Entertainment One