Non, cinéphiles de 30 ans et plus, vous n'avez pas la berlue. Un nombre effarant de films à succès des décennies 70 et 80 font l'objet de remakes depuis quelques temps, comme si Hollywood n'avait trouvé d'autre moyen pour se renflouer que de vider de leur sang nos souvenirs. Vampire, vous avez dit vampire?

Est-ce l’un des effets pervers de la crise économique? Comme les spéculateurs se tournent vers l’or, valeur sûre, Hollywood se tourne de plus en plus vers les remakes de ces films qui ont triomphé autrefois au box-office, et plus particulièrement les films de genre – horreur, fantastique, comédie romantique. Les termes «classique»  et «culte» étant particulièrement galvaudés de nos jours, nous parlons plutôt de ces films qui sont chers à une génération les ayant découverts à un âge souvent impressionnable. C’est le cas de Fright Night (Vampire, vous avez dit vampire?) qui a pris l’affiche hier. Ce film imparfait de Tom Holland avait ravi tout un public adolescent en 1985, sans aucune tête d’affiche connue. Le voici remanié à la sauce 2011, avec Colin Farrell dans le rôle du méchant vampire, pour un tout nouveau public et, parions-le, pour l’ancien, curieux de jouer au jeu des comparaisons, sinon pressé de crier à l’hérésie.

Au cours des dernières années, beaucoup de ces succès passés ont fait l’objet de remakes. Pensons à Halloween, The Texas Chainsaw Massacre, The Amityville Horror, Last House on the Left, The Omen, A Nightmare on Elm Street, Planet of the Apes, du coté des films d’horreur ou de science-fiction, mais aussi à Karate Kid, à Footloose qui fera un retour en octobre, et au projet de Dirty Dancing, qui fait jaser sur les blogues. Cela, sans compter les «suites» et les fameux prequels, ce nom que l’on donne aux films censés nous raconter l’histoire de ce qui a précédé le film original (la deuxième trilogie de Star Wars, qui est chronologiquement la première, en est un bon exemple).
Mais pourquoi cette folie?
Selon Marc Lamothe, codirecteur général du festival Fantasia et grand amateur de films de genre, il faut distinguer deux types de remakes. «Il y a ceux qui sont des hommages respectueux, un travail d’amour, qui sont de véritables propositions artistiques, et ceux qui ne font que répéter un modèle d’affaires, dit-il. Depuis les années 2000, le cinéma est une industrie de producteurs et de conglomérats. C’est le chiffre d’affaires qui compte. Un bon exemple est Halloween. Ce que Hollywood a retenu, ce n’est pas le talent de John Carpenter, ses références à Psycho ou sa façon de tourner, mais le fait que ce film à petit budget a rapporté des millions. L’idée première, c’est d’avoir un bon rendement de l’investissement» Le problème, c’est que cette logique nuit au cinéma de genre, selon Marc Lamothe. On refait des films créés hier par de jeunes cinéastes avec une vision, mais peu d’argent, et qui ont souvent fait de belles carrières ensuite – Spielberg, Scorsese, Jackson, Carpenter, Raimi, par exemple –, pour en faire quelque chose de parfaitement médiocre. Et exploiter le cinéma d’exploitation (cette vague qui surfait sur le scandale et les tabous à peu de frais), c’est toucher le fond du baril, quand même.
Jarrett Mann, président du festival SPASM qui célèbre le cinéma de genre fait au Québec, souligne l’importance des franchises qui sont apparues dans l’industrie, particulièrement dans les années 80, décennie qui a connu sa propre folie des «suites». «Rendu au quatrième ou au cinquième film d’une série, les profits finissent par baisser, explique-t-il. Alors on recommence la franchise, avec de nouveaux comédiens, un nouveau réalisateur. Ce que l’on nomme "reboot". C’est ce qui est arrivé avec Batman, et c’est ce qu’on s’apprête à faire avec Spider-Man, dont le film de Raimi est pourtant sorti il y a seulement 10 ans!»
Ni Marc Lamothe ni Jarrett Mann ne sont contre les remakes. À la base, l’idée de refaire un film était une façon de faire valoir encore plus un potentiel inexploité dans l’original. Certains croque-mitaines ont besoin d’un relooking. Des scénarios plombés par la morale d’une époque peuvent se révéler plus intéressants s’ils sont réactualisés. De nouvelles technologies ont été créées, avec le pouvoir de transformer un film de série B en mégaproduction époustouflante. Et puis il y a, bien sûr, le bel amour du cinéma qui fait que des réalisateurs ont tout simplement envie de rendre hommage à des maîtres avec leur propre vision. Enfin, il y a des mythes et des archétypes dont on ne se lasse jamais, et qu’on n’a jamais cessé de revisiter, comme Dracula ou Frankenstein. «Quand on y pense, dit Marc Lamothe, le cinéma est un art encore très jeune. Si un chef d’orchestre a le droit de reprendre pour une énième fois la cinquième Symphonie de Beethoven, pourquoi un réalisateur n’aurait-il pas le droit de refaire un film?»