Traiter du racisme en faisant rire? Voilà le défi que s’est lancé Dany Boon en écrivant et en réalisant Rien à déclarer. Sous ses airs bon enfant, la nouvelle comédie du plus célèbre Ch’ti du monde repose sur de vrais thèmes. Et de vraies blessures.

Dany Boon n’a jamais vu son grand-père. À une époque où l’Algérie était française, sa mère est tombée amoureuse d’un Kabyle. Elle l’a épousé, a fondé une famille avec lui. L’aïeul ne l’a pas pris. Il a rejeté sa fille. Et toute sa descendance. Parmi laquelle un dénommé Daniel Hamidou, petit garçon élevé dans le nord de la France dans des conditions modestes, qui deviendra plus tard l’un des artistes les plus chéris de la francophonie.


«L’histoire de mon grand-père ne constitue pas directement l’élément déclencheur de Rien à déclarer, mais elle a évidemment nourri mon inspiration, a révélé Dany Boon au cours d’une interview accordée récemment à La Presse dans la Ville lumière. En fait, l’idée du film m’est venue alors que nous faisions la promotion de Bienvenue chez les Ch’tis en Belgique. J’ai poussé à l’extrême une situation marginale pour mieux faire ressortir l’aspect absurde du racisme.»

Absurde. Voilà bien le mot pour décrire l’intrigue d’un film au cœur duquel figure une guerre quasi fratricide. D’autant plus que le Belge francophobe de l’histoire est incarné par Benoît Poelvoorde. Dont la folie naturelle trouve ici un écho formidable. L’acteur déjanté se glisse dans la peau de Vandevoorde, douanier que l’abolition imminente de la frontière entre sa Belgique adorée et la France – nous sommes en 1993 – rend fou de rage.

Or, ce dernier doit faire équipe – cauchemar absolu – avec Ducatel (Boon), un douanier français, afin d’inaugurer un nouveau service de surveillance mobile. Le « camembert » entretenant une liaison sentimentale clandestine avec la sœur de Vandevoorde, la situation se révèle potentiellement explosive.

«À part certaines petites différences culturelles, les Belges et les Français sont pareils, souligne Dany Boon. Il n’y a aucune différence ethnique ou religieuse, et nous parlons la même langue. La frontière est née des tourments de l’Histoire. Pourtant, il y a parfois des actes racistes commis de part et d’autre de cette frontière. Mais cela reste marginal, heureusement!»

Au bord de l’implosion

Étrangement, Rien à déclarer a pris l’affiche au moment où la Belgique risque l’implosion. Certaines voix s’élèvent même aujourd’hui pour réclamer l’annexion de la Wallonie à la France.

«C’est quand même incroyable, ça! s’exclame Dany Boon. Je vous jure que je ne l’ai pas fait exprès ! À mon avis, la Belgique doit rester la Belgique. Si jamais les Wallons veulent venir chez nous, ils sont évidemment les bienvenus, mais cette décision appartient à eux seuls. Cela dit, je trouve quand même assez remarquable – d’où l’idée du film – de constater à quel point les conflits se multiplient depuis l’abolition des frontières. Les peuples ont tendance à se replier sur eux-mêmes. C’est formidable de revendiquer son identité, sa culture ou ses origines, mais à condition de le faire dans le but de partager et d’échanger avec les autres. Du moins, il me semble. Or, on a l’impression que l’inverse se produit présentement.»

L’après-Ch’tis

Le film précédent de Dany Boon, Bienvenue chez les Ch’tis a attiré, rappelons-le, plus de 20 millions de spectateurs en France, pulvérisant un record établi il y a plus de 40 ans par La grande vadrouille de Gérard Oury. Forcément, ça marque. Sur tous les plans. Deux options s’offrent alors à un créateur quand vient le moment de proposer un nouveau film : creuser le même sillon ou offrir quelque chose de complètement différent afin d’éviter les comparaisons. Boon a choisi d’être fidèle à lui-même.

«C’est le même univers, c’est certain, explique l’auteur cinéaste. En même temps, Rien à déclarer n’est pas un Bienvenue chez les Ch’tis 2! Je suis évidemment ravi du succès des Ch’tis, mais un tel phénomène complique quand même un peu les choses par la suite. Parce que les gens vous ramènent toujours à ce succès-là. Or, je me dois d’oublier cela un peu si je veux évoluer. Sinon, il y a le risque de se complaire dans le passé et de ne vivre que sur ses acquis. À cet égard, j’ai su que certains acteurs craignaient de me voir exhiber mes 20 millions d’entrées ou afficher une autre attitude à mon arrivée sur le plateau de tournage. Pas mon genre. Leurs craintes se sont estompées très vite, d’ailleurs. J’aime l’ambiance de tournage et l’esprit de famille qui en résulte. Ça change du one man show où on travaille pratiquement toujours dans la solitude. »

Rien à déclarer, tout comme les Ch’tis, étant dénué de tout cynisme, plusieurs observateurs voient dans le cinéma de Boon une filiation naturelle avec celui de Gérard Oury (La grande vadrouille, Les aventures de Rabbi Jacob). D’autant plus que Poelvoorde et Boon forment un tandem rappelant celui de Louis de Funès et André Bourvil.

«Le cinéma de Gérard Oury m’a influencé, c’est certain, reconnaît-il. J’ai grandi avec ses films. Je ne me permettrais certainement pas une comparaison avec Bourvil, mais je suis très flatté quand on évoque cette filiation. Je crois partager avec ces artistes le sens du populaire. J’essaie d’écrire des scènes de comédie fédératrices, qui peuvent plaire à tous les publics. Des trucs qui font rire aujourd’hui et qui feront encore rire dans 20 ans.»
Rien à déclarer prend l’affiche le 26 août. Les frais de voyage ont été payés par Les films Séville.

Rien à déclarer prend l’affiche le 26 août. Les frais de voyage ont été payés par Les films Séville.