Patrick Boivin ne peut pas dire que son premier long métrage, Enfin l’automne, sera partout en salle cette fin de semaine, auprès d’autres nouveaux films comprenant Shark Night 3D et Apollo 18.

Le spécialiste de l’animation et réalisateur dit toutefois être emballé de présenter son film à un public potentiellement plus important.

Il le projettera pour la première fois dimanche sur YouTube, et déclare fièrement que son film sera le premier long métrage canadien à être téléversé sur le site.

Alors que la plupart des réalisateurs seraient probablement désappointés si leur film amorçait sa carrière en ligne, gratuitement, M. Boivin affirme qu’il s’agit de la méthode idéale pour lancer un film.

Enfin l’automne est l’histoire de deux meilleurs amis, Jack, l’artiste, et Jérôme, le propriétaire de café, qui ont tous les deux l’oeil sur la même fille. Jérôme séduira la belle, avec l’approbation de Jack, et la suite est une histoire urbaine de la vie de tous les jours, de l’amitié, et de l’amour. La majeure partie du dialogue est en français, avec des sous-titres anglais, bien qu’un personnage parle anglais.

M. Boivin et son partenaire cinématographique Olivier Roberge ont dépensé 45 000 $ de leur propre argent dans le projet de film après une série de lettres négatives de la part d’organismes de subvention. Bien qu’ils aient dû travailler avec un minuscule budget, on n’y voit que du feu; le tout est magnifiquement tourné et donne l’impression d’un film produit par un grand studio.

Le fait que le film ait l’air si beau n’est probablement pas une surprise pour les amateurs du travail de Patrick Boivin. Bien qu’il ne soit pas parmi les grands noms, il possède un grand nombre d’admirateurs en ligne, avec près de 166 000 utilisateurs YouTube inscrits à sa série de films, qui comprend des cours métrages, des projets d’animation en «stop motion» et des vidéoclips. Au total, ils ont été visionnés plus de 121,5 millions de fois.

Son projet le plus connu est Iron Baby, une adaptation des films de la série Iron Man mettant en vedette sa jeune fille. Avec des effets spéciaux dignes d’Hollywood, son oncle, STROB, lui a conçu une armure de superhéros dans le style d’Iron Man. Iron Baby affronte (et vainc) une équipe de lapins armés jusqu’aux dents. Il a également produit des séquences animées pour Lego, LG, Google, et les studios Pixar de Disney.

En raison de son grand nombre d’admirateurs sur Internet, Patrick Boivin croit que YouTube est le meilleur endroit pour présenter Enfin l’automne, particulièrement en raison de ses expériences passées dans des festivals de films, où il a présenté quelques courts métrages, comme Radio.

«Après tous les endroits où nous sommes allés, un maximum de 5000 personnes ont dû voir Radio (au cinéma). Après un mois sur YouTube, il y avait 350 000 visionnements, alors c’est une manière fantastique de rejoindre les gens», explique M. Boivin.

«Et comme mon canal est très populaire en ce moment, je sais que les gens verront le film.»

Il hésite toutefois à prédire le nombre de gens qui le verront, mais ses objectifs sont modestes; il ne s’agit pas d’atteindre des dizaines de millions de visionnements.

«S’il obtient 2000 visionnements au cours du premier mois, je serais content, mais il pourrait aussi en avoir 3000. C’est dur à dire.»

Même si le film déclenche un effet viral, M. Boivin estime qu’il ne serait pas correct de tenter de vendre le film à un distributeur et à le diffuser en salles, puisque les acteurs et les techniciens du projet n’ont virtuellement rien reçu pour leur travail. Il a également obtenu de très bonnes chansons pour créer la bande sonore du film en offrant de créditer des musiciens indépendants en échange d’extraits de leur travail. Si le projet dégageait des profits, il se sentirait obligé de partager l’argent avec eux aussi.

«C’était pour l’amour de l’art, explique le réalisateur. Nous n’allons jamais refaire ça. C’est quelque chose que vous faites une seule fois.»

Il est également plus facile pour MM. Boivin et Roberge de présenter leur film gratuitement, en sachant que leur prochain projet recevra un peu plus d’aide. Le duo a récemment reçu la confirmation d’un financement de Téléfilm Canada et a hâte de réaliser un film avec «de vrais dollars».

Tourner le film avec leurs propres fonds les a forcés à étirer au maximum leur budget, ce qui sera une expérience pratique pour leur prochain projet, explique M. Boivin.

«Quelques fois, j’ai l’impression que les choses coûtent beaucoup plus cher dans l’industrie du cinéma qu’elles ne le devraient. Je sais que nous pouvons faire un très bon film avec un petit budget au Canada, quelques fois avec un montant de 1 million$. Personnellement, je sais que nous serons capables de faire quelque chose d’extraordinaire avec ça», a-t-il dit.

Il croit d’ailleurs que ce qu’il a fait avec «Enfin l’automne» deviendra beaucoup plus répandu dans peu de temps, bien que certains réalisateurs puissent essayer de développer une méthode de billet électronique avant de diffuser leurs films en ligne. La semaine dernière, YouTube a commencé à offrir des locations de films sur la version canadienne de son site.

«Il s’agit de l’avenir à court terme de la production de films indépendants», croit-il.

«Je connais des gens qui ont reçu de l’argent pour faire leur film, mais au final, celui-ci n’a été vu que par quelques milliers de personnes et c’est tout. Sur YouTube, vous pouvez rejoindre le monde entier.»