Tinker Tailor Soldier Spy du réalisateur suédois Tomas Alfredson, film d’espionnage adapté du célèbre roman de John Le Carré, présenté lundi à la Mostra de Venise, évoque plus l’atmosphère d’un tableau de Turner ou une symphonie de Mahler que celle d’un James Bond.

Ceux qui aiment l’action, les cascades et l’adrénaline seront déçus. Car si pendant plus de deux heures, il s’agit de guerre froide, de «taupe» et de services secrets, Tomas Alfredson choisit de se laisser guider par le thème central de la «solitude», au travers de personnages qui s’affirment plus par les expressions, les attitudes et les décors que par l’action et les dialogues.

De Budapest à Londres en passant par Istanbul, Gary Oldman, maître-espion du MI16 et figure centrale mais plutôt anti-héros, va devoir se remettre au travail pour débusquer une «taupe» soviétique, alors qu’il s’apprête à prendre sa retraite.

A ses côtés, une équipe de choix: John Hurt, Colin Firth, Tom Hardy, Stephen Graham, dont les rôles se dessinent au fur et à mesure que l’histoire, complexe, avance. Un film d’espionnage conçu «comme un essai sur le fait d’être un homme et d’affronter le problème de la solitude», a expliqué le réalisateur.

«Quand on m’a demandé de faire le film il était impossible d’adapter le roman de John Le Carré, d’en tirer un film. Il fallait trouver un fil conducteur et j’ai choisi un thème», a-t-il ajouté.

Lumières et objets semblent choisis comme les couleurs sur la palette d’un peintre. Une Citroën DS beige métallisé revient de manière récurrente, se déplaçant avec la même lenteur que la fumée dans les officines secrètes, et l’atmosphère générale rappelle la mélancolie d’une symphonie de Mahler.

Les dialogues sont réduits à l’essentiel et tous les personnages se déplacent comme dans une série de tableaux de grands maîtres avec des scènes où premier, deuxième et troisième plans offrent autant de perspectives qu’un tableau de Turner.

Tomas Alfredson, réalisateur de l'atmosphérique film de vampires Let the Right One In (2008), a d’ailleurs souligné devant la presse avoir été inspiré par «la peinture et la musique» et «pas tellement par le cinéma».

L’occasion pour des acteurs de «montrer autre chose» que ce à quoi le public est habitué, a dit Gary Oldman, dont le personnage est impassible et froid: «J’ai interprété des personnages émotifs et actifs dans le passé. Ce film m’a permis de montrer quelque chose de moi que je n’avais jamais montré avant».

La journée de lundi a également permis de découvrir Dark Horse du réalisateur américain Todd Solondz, une sombre comédie sur un trentenaire obèse, Abe (Justin Bartha), qui habite toujours chez ses parents (Christopher Walken et Mia Farrow) et que son père a toujours considéré comme un «échec».

Autre découverte étonnante venue de Hong Kong: Tao Jie de la réalisatrice Ann Hui, sur la relation qui unit un homme fortuné, travaillant pour le cinéma et la femme au service de sa famille qui l’a élevé, un film sur la «vieillesse» et le sort des personnes âgées abandonnées par leurs proches dans de sinistres maisons de retraite.

Au programme mardi: Wuthering Heights de la réalisatrice brtitannique Andrea Arnold (Fish Tank) et un film japonais Himizu de Sono Sion, adaptation d’un manga de Minoru Furuya, en lice pour le Lion d’Or.