Comment vivre en acceptant la fin ? C’est un combat qui commence chaque matin «devant le miroir», disent, chacun à leur façon, Abel Ferrara et Willem Dafoe à propos de 4:44 Last Day on Earth, un opus sur la fin du monde, présenté mercredi à la Mostra de Venise.

Comme Melancholia du Danois Lars von Trier, présenté au dernier festival de Cannes, 4:44 Last Day on Earth (4H44, dernier jour sur terre) du réalisateur américain Abel Ferrara interroge sur le sens de la vie, mais avec plus de légèreté.

«Etre ou ne pas être... La réponse est évidente : c’est être !», a déclaré à l’AFP Abel Ferrara, 60 ans, en avalant un fond de café froid.

Le film est centré sur un couple, Cisco (Willem Dafoe) et Skye (Shanyn Leigh), qui vit les dernières heures de la planète dans son loft new-yorkais: alors que la couche d’ozone se désintègre, ils font l’amour, peignent, passent un dernier coup de téléphone et se font livrer des nouilles chinoises.

Comme les autres Terriens, ils connaissent depuis longtemps la date et l’heure précise. Mais le compte à rebours jusqu’à 4H44, heure fatidique choisie dans la numérologie chinoise comme annonce de la mort, selon le réalisateur, déclenche en eux toutes sortes de réactions, révélatrices de leur personnalité et de ce qui les aide ou pas à accepter l’inéluctable.

«Contre quoi pourrait-on être en colère ? Vous allez casser une vitre ou voler une télévision ? A quoi ça sert ? Une fois que vous croyez à la fin du monde, vous restez avec ceux que vous aimez et je crois que vous continuez à vivre comme avant», dit Abel Ferrara, l’air détaché.

«Pourquoi se suicider ? Par curiosité on aurait plutôt envie de rester», ajoute-t-il, dans un grand éclat de rire.

Le réalisateur, qui cite le dalaï lama et le fait intervenir à la télévision dans son film, explique ses personnages: Skye «est spirituelle. Je crois qu’elle a trouvé un équilibre. Elle est beaucoup moins désespérée et surexcitée que lui».

Cisco «lutte contre ses addictions (l’alcool et la drogue) et il manque de spiritualité. Si on ne peut pas se raccrocher à cela, que se passfoee-t-il à la fin ? C’est facile d’être athée jusqu’au jour où vous apprenez que vous allez mourir».

«Etre sur cette terre est un tel combat quotidien pour survivre. Je ne pense pas qu’on puisse se préoccuper des combats extérieurs. Ça commence chaque matin devant le miroir lorsqu’on se demande comment on peut changer».

S’interroger «tous les jours» sur sa façon de vivre, une évidence pour Willem Dafoe: «sur ce que j’ai fait, et vers où je vais».

«Je pense tout le temps à ma mort. En relation avec mes organes, le sexe et la nourriture. J’y pense depuis que je suis jeune mais dans un sens positif», dit en souriant l’acteur américain, 56 ans, portant jeans et T-shirt noir.

«Lorsqu’Abel m’a donné le scénario je n’ai pas sauté au plafond. Il avait des idées sur la voie qu’emprunte la télévision, le dalaï lama. Ensuite il a travaillé et ça a pris corps».

S’il y a une réflexion dans tout cela «oui, c’est en partie sur l’importance de la spiritualité dans la vie».

«Je suis un New-yorkais, un acteur qui vit en ville, en relation avec les autres... Certains ont des problèmes d’addiction ou sexuels, de travail... Ils sont en plein naufrage et en général ce sont des gens qui cherchent leur chemin».

Willem Dafoe, qui a également travaillé avec Lars von Trier (Antichrist), dit avoir une «bonne relation» avec les deux réalisateurs.

Ils sont «sincères dans le sens où ce sont des gens qui font les choses avec leurs tripes. C’est si bon de côtoyer ce type de personnes plutôt que celles qui font des films comme n’importe quel autre produit», conclut-il.