Le réalisateur russe Alexandre Sokourov a remporté samedi soir avec son film Faust le Lion d’Or du meilleur film de la 68e Mostra de Venise.


Cette distinction du plus ancien festival du monde n’avait été attribuée à un cinéaste russe qu’une seule fois, en 2003, à Andreï Zviaguintsev pour Le retour.
Le Lion d’argent de la mise en scène est revenu au Chinois Cai Shangjun pour Ren Shan Ren Hai (People mountain, people sea).


Le jury, présidé par le cinéaste et producteur américain Darren Aronofsky, réalisateur du Cygne noir (Black Swan), a également récompensé du Prix spécial du Jury le film italien Terraferma d’Emanuele Crialese.


Inspiré du grand classique de Goethe, Faust reprend l’histoire archétype du face-à-face avec le diable sous forme d’une méditation sur la corruption du pouvoir. Les personnages, en costumes du XIXe siècle, y sont inquiétants et évoluent dans une atmosphère étouffante et nauséabonde de fin du monde, un thème cher à cette 68e Mostra.


Le réalisateur russe, adoubé par Andreï Tarkovski dans les années 70, l’a conçu comme le dernier volet d’une tétralogie sur les dictateurs, le pouvoir et la folie humaine, entamée en 1999 avec un portrait fictionnel d’Adolf Hitler.


Le film, encensé par plusieurs critiques qui l’ont qualifié de «vertigineux», est placé comme hors du temps. Il suit l’itinéraire du Dr Faust (Johannes Zeiler), gouverné par ses instincts primaires dans une recherche effrénée de pouvoir et d’amour.


Tourné en allemand, en Espagne et en Islande, où le réalisateur a fait construire des répliques de villes allemandes du début du XIXe siècle, il se déroule dans une atmosphère grise et jaune étouffante, peuplée de cadavres, de viscères où le malin lui-même, prêteur de gages mi-homme, mi-animal (Anton Adasinskiy) souffre d’ulcères purulents.


Sokourov, 60 ans, dont les premiers films ont été interdits par les autorités soviétiques et qui a en revanche reçu le soutien du premier ministre Vladimir Poutine pour ce dernier film, affirme que son obsession pour les dictateurs, comme Faust lui-même, remonte à 30 ans.
«Dans Faust, tout y est, comme s’il avait été écrit au XXIe siècle», dit-il, en estimant que tous les hommes politiques devraient lire cet ouvrage mythique.


Peu soucieux des modes, et ami d’un autre grand cinéaste russe, Nikita Mikhalkov, Sokourov compte une quarantaine d’oeuvres à sa filmographie. Il a filmé les rapports humains (Mère et fils) et les dictateurs (Moloch, Taurus, Le soleil) autant qu’une Russie fantasmée et idéale à ses yeux (L’arche russe).


Vingt-trois longs métrages, tous projetés en première mondiale étaient en lice à Venise, dont Carnage de Roman Polanski, donné favori et reparti bredouille.