Il y a trois ans, Adrian Wills présentait au FNC son film All Together Now, qui nous plongeait dans les coulisses du spectacle LOVE, du Cirque du Soleil. Cette année, il nous revient avec Toucher le ciel, qui raconte le voyage de Guy Laliberté dans l'espace.

Le fondateur du Cirque du Soleil n'allait quand même pas faire une virée spatiale sans laisser de traces... Après tout, Guy Laliberté était seulement le septième «touriste» de l'espace. Il lui fallait marquer le coup.

Après la publication d'un beau livre regroupant ses photographies de la Terre, et une expo avec des formats géants d'une soixantaine de ces images, voici le document qui fait le récit de ce voyage, de son entraînement au camp russe de Star City à son retour sur Terre, après un séjour de 12 jours dans l'espace.

Adrian Wills a passé près de sept mois en Russie en compagnie de Laliberté avant le décollage de la fusée russe Soyouz en octobre 2009. Comme pour tous les projets liés à ce voyage dans l'espace, les profits sont versés à sa fondation One Drop. Le réalisateur a répondu aux questions de La Presse.

Q Vous avez tourné plusieurs documentaires sur les spectacles du Cirque du Soleil. Celui-ci vous a été proposé par Guy Laliberté, qui voulait immortaliser son voyage dans l'espace. Êtes-vous donc le documentariste du Cirque du Soleil?

R Je suis un documentariste indépendant, mais j'ai une bonne relation avec Martin Bolduc, mon producteur, et puis le Cirque m'a toujours donné beaucoup de liberté. On m'impose peu de contraintes. Comme cinéaste, c'est comme si je travaillais pour l'ONF ou pour n'importe quel autre diffuseur. Sur Corteo, j'ai filmé une des soirées où rien n'avait fonctionné pour le Cirque; sur LOVE, j'ai voulu aussi parler des Beatles, et personne ne m'a empêché de le faire. Dans Toucher le ciel, je voulais raconter l'histoire de Guy, mais aussi celle des autres cosmonautes. Dès le départ, je lui ai dit: «Je ne veux pas te faire une pub, je veux élargir le sujet.» Et il était d'accord. Il voulait qu'on capte son expérience, c'est tout. En voyant le documentaire, il a réagi comme un producteur qui fait des suggestions. Mais il a respecté mon travail.

Q
Parlons de ce tournage de près de sept mois en Russie. Avez-vous eu beaucoup de difficultés?

R
Je suis assez fier de ce film, parce qu'on a tellement fait de montage avec Claude Palardy et Heidi Haines... On avait beaucoup de matériel. Pas parce qu'on ne savait pas ce qu'on voulait, mais tout se passait en russe. Et personne ne nous donnait d'indications. Il fallait tout tourner, parce que les Russes ne faisaient rien pour nous éclairer. Pour eux, le programme spatial est une affaire militaire. Ils n'étaient pas habitués à voir une équipe de tournage complète dans le camp spatial. Ça nous a pris des mois pour avoir nos entrevues avec les cosmonautes russes. Pour avoir la permission de filmer la navette Soyouz, ç'a été aussi très compliqué. La phrase que j'ai répétée le plus souvent était: «I don't take niet for an answer

Q
On le voit bien. Dans votre film, vous parlez de Guy Laliberté, mais aussi d'exploration spatiale et du tourisme spatial, qui n'est pas toujours bien perçu, même si ça renfloue les poches de l'Agence spatiale russe.

R C'était important pour nous d'élargir la perspective. J'avais la chance d'être en Russie, je voulais raconter des histoires humaines. Guy Laliberté était ma porte d'entrée pour parler de l'expérience humaine de ces explorateurs modernes. Là-bas, il était le «everyman» qui va dans l'espace. Même que ses tatouages suscitaient la méfiance! Mais il y a beaucoup de gens qui ont eu ce rêve d'aller dans l'espace. Je voulais que le spectateur ressente cette expérience à travers ses yeux. Guy voulait rentrer dans ce club un peu fermé. Il a dû gagner ses points avec chaque personne qu'il a rencontrée, et il l'a fait. Il est persévérant, il n'a pas flashé son cash pour qu'on lui organise un voyage de luxe. Il a travaillé pour. Et les cosmonautes ont fini par le respecter.

Q
Qu'ont pensé les cosmonautes russes et les responsables de Star City de son projet de mission sociale et poétique?

R Ils ont très bien réagi, ils ne l'auraient pas laissé faire s'ils n'avaient pas cru en son projet. La NASA lui a donné du temps pour diffuser son message, qui s'adressait à Monsieur et Madame Tout-le-monde. Ils étaient prêts à appuyer le projet. Il aimaient l'idée de voir quelqu'un promouvoir ce message-là, qu'ils veulent diffuser eux aussi, en tant que scientifiques. Comme les artistes (dont U2) qui ont participé au projet.

Q Vous n'avez pas fait le voyage dans l'espace avec Guy Laliberté. Qui a capté les images prises dans la navette et dans la Station spatiale?

R J'ai donné une «short list» de trois pages à Guy. Je lui ai demandé de faire des entrevues avec certaines personnes. Je lui ai dit ce que je voulais faire. On l'a entraîné pour qu'il se serve d'une caméra, et puis il a demandé à certains membres de l'équipage de filmer des scènes dans la Station spatiale. Et Guy nous a ramené de superbes images.

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Touch the Sky (avec sous-titres français), mardi, 13h15. à eXcentris et vendredi, 21h15, au Cinéma Impérial, dans le cadre du Festival du nouveau cinéma de Montréal.