Monsieur Lazhar a déjà une réputation qui le précède - celle qu’il a acquise aux festivals de Locarno, de Toronto et de Namur. Samedi soir, enfin, il débarque à Montréal.

Après avoir voyagé dans plusieurs pays, remporté plusieurs prix dans les festivals de cinéma et avoir été sélectionné comme film représentant le Canada aux Oscars, le long métrage de Philippe Falardeau sera projeté en clôture du Festival du nouveau cinéma (FNC), quelques jours avant de prendre l’affiche dans les salles de cinéma québécoises.

Le Québec fera ainsi la connaissance de monsieur Lazhar (Fellag), un Algérien forcé à l’exil qui propose ses services à la directrice d’une école montréalaise (Danielle Proulx) pour combler le vide laissé par une enseignante morte dans des circonstances tragiques.

Philippe Falardeau, lui, a rencontré Bachir Lazhar pour la première fois au théâtre, alors qu’il assistait à la représentation de la pièce portant le même titre en compagnie des producteurs Luc Déry et Kim McGraw, de la boîte micro-scope.

«C’est très rare que Philippe nous parle d’un projet avant de l’avoir prémédité et d’avoir commencé à travailler dessus», signale Luc Déry, qui a produit les quatre longs métrages de Philippe Falardeau - le premier avec la boîte 4x4 et les trois autres avec micro-scope. «Mais ce soir-là, il est venu nous voir en sortant et il nous a dit: «Je vais faire un film. Je vais faire un film avec ça’.»

Ce qui semblait évident pour Philippe Falardeau, à ce moment-là, ne l’était pas forcément pour les producteurs. Après tout, la pièce écrite par Evelyne de la Chenelière, minimaliste, mettait en scène un seul personnage.

Luc Déry et Kim McGraw ont décidé de plonger malgré tout. Quelques semaines après la représentation, ils entraient en contact avec la dramaturge pour acquérir les droits de la pièce.

«Au moment où j’ai cédé ces droits-là, j’étais absolument à l’aise avec le fait qu’il s’empare de ce matériau-là, de cette inspiration, et que cela devienne sa chose, son objet d’art à lui», explique Evelyne de la Chenelière.

En fait, ce qui la rendait légèrement craintive n’était aucunement lié à la compétence ou à la vision de Philippe Falardeau en tant que scénariste et réalisateur. «Mes craintes appartenaient au fait que le cinéma, de par son essence, peut être parfois plus propice à verser dans un sentimentalisme très sirupeux, explique-t-elle. Les thèmes s’y prêtaient. Mais Philippe n’est pas un cinéaste comme ça.»

Le film aborde en effet plusieurs sujets susceptibles de solliciter les glandes lacrymales et de soulever les passions: l’enfance, la mort et le deuil, mais également la rencontre entre les cultures et les travers du système d’éducation québécois.

Mais jamais Philippe Falardeau ne donne dans la mièvrerie, fait valoir Brigitte Poupart, qui interprète Claire, l’une des collègues de monsieur Lazhar. «Ce qui est beau, dans l’écriture, c’est qu’il y a une pudeur. Je trouve que ça ressort partout dans le film, estime l’actrice. On dit des choses et le spectateur devine. On laisse de la place aux sous-texte, et je trouve que c’est ce qui fait la force du film.»

Cet aspect est fondamental pour Philippe Falardeau, qui revient à un cinéma plus politiquement et socialement engagé après Congorama (2006) et C’est pas moi, je le jure! (2008).

«C’est important pour moi qu’il y ait en toile de fond des enjeux qui se profilent et que les personnages ne soient pas les véhicules pour ces enjeux, mais que ceux-ci émergent à travers ce qu’ils vivent», expose le cinéaste.

Pour bien cerner les problématiques qui sont traitées dans le film, mais également afin d’arriver à diriger ses jeunes acteurs avec justesse, Philippe Falardeau est retourné sur les bancs d’école de trois écoles primaires.

Ses recherches l’ont également mené Algérie, pays natal de son personnage principal. «Il était question que je tourne des trucs qui sont issus de son passé. Finalement, j’ai enlevé ça du scénario. Mais je voulais voir d’où il venait, prendre le pouls, interviewer d’autres Algériens», soutient celui qui a participé à la Course destination monde en 1993.

L’expérience acquise tout au long de cette course folle, qu’ont vécue d’autres réalisateurs québécois de renom - Denis Villeneuve, Robin Aubert et Hugo Latulippe, pour ne nommer qu’eux -, a sans doute contribué à ce que Philippe Falardeau en arrive à livrer, encore une fois, un film aussi humain, analyse Danielle Proulx.

«À partir du moment où tu te promènes un peu partout, tu reviens avec un regard complètement différent sur ta vie. Tu ne peux pas ne pas être influencé», plaide l’actrice, dont le fils (Émile Proulx-Cloutier) et la belle-fille (Anaïs Barbeau-Lavalette) sont réalisateurs. Au moment où La Presse Canadienne l’a rencontrée, Danielle Proulx venait d’ailleurs de passer trois semaines en Jordanie, où Anaïs Barbeau-Lavalette prépare le tournage de son film Inch’Allah.

«Monsieur Lazhar est un film d’une grande humanité, poursuit-elle. C’est une oeuvre importante car elle aborde des sujets très lourds et très difficiles avec tellement de doigté, de délicatesse et de pudeur. Il y a aussi beaucoup d’humour, mais ce n’est jamais mal placé.»

Le long métrage a été monté par un autre poulain de la maison de production micro-scope, le réalisateur Stéphane Lafleur (En terrains connus). La trame sonore est signée Martin Léon.

«Stéphane a monté des documentaires et des courts métrages, et il a cette qualité-là d’être totalement au service des films des autres», souligne Philippe Falardeau.

«En fait, il a la même qualité que Martin (Léon): il n’a pas d’ego, poursuit-il en souriant. Nous, les réalisateurs, on a de gros egos. Mais quand on travaille en équipe, il faut lâcher prise. Il faut être dans le don, parce que ce que tu fais, tu le fais pour le film de l’autre.»

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Monsieur Lazhar
sera présenté en première québécoise le 22 octobre au FNC. Il sortira en salles le 28 octobre.