La peur de l'eau, de Gabriel Pelletier, propose le canevas idéal pour un jeu de «meurtre et mystère». Un cadavre, plusieurs suspects et autant de motifs. C'est le décor qui change. Bienvenue aux Îles-de-la-Madeleine où le crabe et le poisson ont un goût de mort et de vengeance...

Qui a tué Rosalie Richard?

Le cadavre de la belle des Îles a été découvert, nu et violenté, sur un amas rocheux taillé par la mer en dentelle acérée.

Un dossier trop gros pour le sergent André Surprenant (Pierre-François Legendre) et sa collègue Geneviève Savoie (Brigitte Pogonat), deux policières aussi sympathiques que coincés. On envoie donc le sergent-enquêteur Denis Gingras (Normand D'Amour), Montréalais baveux pour qui un meurtre aux Îles ne peut que se résoudre le temps de dire hameçon. Mais il y a bien des secrets qui se cachent derrière la mort de Rosalie (Stéphanie Lapointe).

«Je suis un grand amateur de polars et j'aime qu'on me donne tous les indices, dit Gabriel Pelletier (Karmina, Ma tante Aline). Je déteste que l'assassin arrive soudainement du champ gauche. J'ai voulu respecter mes principes avec ce film qui comporte toute une galerie de personnages, comme dans les romans d'Agatha Christie.»

Et quels personnages! À commencer par Surprenant et Savoie, aussi emmêlés dans leur travail que dans l'idylle amoureuse se dessinant entre eux. En les voyant agir, la question se pose d'elle-même: ça existe dans la vraie vie?

Oui, assure Pierre-François Legendre. «J'ai un couple d'amis policiers dont la femme est une jeune mère. Courir après les bandits dans la ruelle, ce n'est pas vraiment pour elle, lance-t-il. C'est comme mon personnage. Surprenant ne se voyait pas patrouiller à Montréal avec les gangs de rue.»

Brigitte Pogonat apprécie quant à elle le côté humain de Geneviève. «Elle a un grand coeur, elle est gênée et manque de confiance. Si elle s'est engagée dans la police, c'est pour prendre de la force», dit-elle.

Surprenant et Savoie gagneront en confiance à mesure que l'intrigue se dénouera. «Surprenant ne devient pas un super flic, mais il commence comme ça et finit comme ça», dit Pierre-François Legendre en mimant une tête baissée et une tête relevée.

L'influence des frères Coen

Dans le rôle de Rosalie, Stéphanie Lapointe trouve quant à elle le contre-emploi parfait. Frondeuse, enjôleuse, délinquante à souhait, sa Rosalie est un peu la petite peste des lieux. «Je n'aime pas faire des rôles qui sont des copier-coller de moi, dit la comédienne et chanteuse. C'est sûr que Rosalie est plus insolente que je le suis, mais, plus jeune, j'ai aussi eu mon caractère.»

Comme pour ses rôles antérieurs, la comédienne a travaillé son personnage avec Muriel Dutil. «On a cherché ensemble les traits du personnage. J'ai essayé de jouer Rosalie dans les silences, dit Stéphanie Lapointe. C'est la liberté de l'acteur de camper son personnage entre les lignes.»

Le film de Gabriel Pelletier est adapté du roman On finit toujours par payer de Jean Lemieux. En plus d'aimer le lieu, le cinéaste a été séduit par l'ambiance, le côté modeste et tranquille de l'endroit, où la moindre affaire inusitée suscite de vives réactions.

«Durant le tournage, je pensais beaucoup aux frères Coen, dit M. Pelletier, et particulièrement à Fargo. J'aime ce côté petite vie terre-à-terre. C'est pour cela qu'il y a cet humour décalé dans le film. Au-delà du drame, je ne voulais pas qu'on se prenne trop au sérieux.»

La peur de l'eau sort en salle le 27 janvier.

Entre Earl et Igor

Pas simple, un tournage aux Îles-de-la-Madeleine, disent la productrice Nicole Robert et le réalisateur Gabriel Pelletier. D'abord parce que le film avait une grosse distribution. Ensuite parce qu'il fallait transporter tout le matériel, y compris plusieurs véhicules, à des centaines de kilomètres de Montréal. Une grosse logistique. De plus, il fallait composer avec les éléments. Lorsque l'automne chasse l'été aux Îles, le vent se lève, la mer se gonfle, la pluie s'en mêle. Les conditions météo changent constamment. «Nous avons tourné entre deux ouragans. On a eu la queue d'Earl en préproduction et on était carrément dans Igor au moment du tournage de la scène extérieure où l'on découvre le cadavre de Rosalie», dit Gabriel Pelletier. Des regrets? Pas du tout. Faire avec les éléments a des inconvénients, mais aussi des avantages. Jamais on n'aurait pu profiter de moyens techniques susceptibles de recréer les conditions idéales dans lesquelles cette scène a été tournée, dit le cinéaste. M. Pelletier tenait à tourner à l'automne. «Ça me permettait d'avoir des ciels grandioses, nuageux, menaçants.» Des conditions parfaites pour un décor de meurtre et mystère, en somme.