Malgré la performance de Vanessa Paradis, le film de Jean-Marc Vallée est jugé «fumeux», «naïf» et «prétentieux», en France.

Café de Flore avait plusieurs atouts importants pour sa sortie française.

D'abord la réputation de C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée, dont la formidable carrière en 2006 reste encore dans les mémoires: un film que la critique avait alors jugé excellent ou à tout le moins sympathique et qui avait frôlé les 500 000 spectateurs.

Ensuite, la présence de Vanessa Paradis, véritable star en France, tellement discrète dans la vie que la moindre de ses apparitions constitue un événement. «Chamboulée», selon ses propres termes par le rôle «poignant» que lui proposait Jean-Marc Vallée, la chanteuse, qui n'en est qu'à son 10e film, s'est «généreusement engagée dans la sortie du film», comme le dit le producteur québécois Pierre Even. Elle a donc fait la couverture de Première et du supplément culturel de L'Express, et s'est déplacée pour aller au célèbre Grand Journal de Canal".

Enfin, le distributeur UGC et les coproducteurs français, dont la participation s'élève à 30%, ont vraiment mis le paquet, avec une combinaison de 106 salles, une énorme campagne d'affichage. Sans parler d'une avant-première mondaine et médiatique, lundi soir, où l'on avait déployé service d'ordre et barrières métalliques pour contenir quelques centaines d'admirateurs de Vanessa Paradis.

Tout cela n'a pas suffi à provoquer un mouvement de fond en faveur de Café de Flore. Même s'ils ne sont pas désastreux, les fatidiques chiffres de la séance de 14 h, à Paris, sont très moyens. Quant aux critiques, à deux ou trois exceptions près, ils se livrent à une démolition en règle: le film est jugé «fumeux» par plusieurs, d'autres parlent de «beau gâchis» et d'«ineptie», de «bouillie mystique». Beaucoup saluent la performance de Vanessa Paradis, mais estiment qu'elle s'est «fourvoyée» dans un tel film.

Il y a quelques notes favorables, sans être dithyrambiques, dans ce concert de vacheries, mais elles ne suffisent pas à renverser la tendance. La Croix parle d'une «oeuvre étrange et belle», d'un «montage audacieux», mais aussi de «facilités dont (Vallée) abuse jusqu'au vertige». Les Échos, après quelques réserves, saluent «la dextérité du scénario, la bravoure des acteurs et la bande-son planante». L'Expansion et La Tribune de Genève décernent une bonne note en quelques lignes.

Partout ailleurs, c'est massacre à la tronçonneuse. Le Monde, qui a sorti le grand jeu, parle d'une «extravagante nunucherie enflée jusqu'à contenir deux récits pour les digérer en une bouillie mystique et moderne», d'une «alternance exaspérante» (entre les deux histoires). L'hebdo culturel Télérama évoque «un épuisant yo-yo narratif, alourdi par une mise en scène tape à l'oeil avec gros plans des regards qui s'humectent». Le Point: «La justesse de quelques scènes au Canada ne suffit pas à sauver ce film à la fois naïf et prétentieux». Le Parisien, grand quotidien populaire, conclut: «l'ensemble est tellement fumeux qu'on s'interroge jusqu'à la fin pour comprendre où il voulait en venir.» Le Temps de Genève n'est pas plus enthousiaste: «surmontage permanent, trop-plein musical, médiocrité de la photo, construction tarabiscotée... un beau gâchis...».

Pas de bousculade aux guichets

S'il s'agissait d'une grosse production commerciale, ce ne serait pas trop grave. Dans le cas d'un film d'auteur, ces critiques risquent d'être meurtrières. D'autant plus que les résultats en salle pour la première séance de 14 h sont mitigés. Avec 761 spectateurs pour 21 salles parisiennes, Café de Flore affiche pratiquement le même résultat que C.R.A.Z.Y. qui avait attiré 504 spectateurs pour 15 copies, en mai 2006.

À l'époque, ce résultat était jugé «mou» et «décevant» par le distributeur français, qui craignait d'échouer à 100 000 spectateurs. Après quoi, le film avait fait une remontée spectaculaire au cours du week-end et, grâce au bouche-à-oreille, avait atteint le demi-million de spectateurs. Mais on jugeait ce redressement exceptionnel et atypique. Et le film n'avait pas été éreinté par les trois quarts des critiques, bien au contraire.

Avec Café de Flore, tout reste possible, bien sûr, mais il faut croire aux miracles.